Les quatre saisons du livre de Strasbourg

Strasbourg vit cette année les chapitres de l’aventure « Capitale mondiale du livre Unesco 2024». Suspense et surprises au sommaire de cinq chapitres.

Chapitre 1 : Pourquoi une Capitale mondiale du livre ?

Parce que Sébastien Brant, Goethe, Gustave Doré, Tomi Ungerer...Et bien sûr, parce que Gutenberg ! Cet imprimeur germanique a séjourné à Strasbourg de 1434 à 1444 : il aurait inventé l’imprimerie à cette période, en l’occurrence la presse typographique à caractères mobiles. Composés d’un alliage de plomb et d’étain, ces caractères sont résistants et reproductibles. C’est une véritable révolution puisque cette presse permet la diffusion des livres dans une très large mesure, bien plus rapidement qu’au rythme manuel et appliqué des moines copistes. Cette invention tombe à point pour nourrir le besoin de livres des bibliothèques et des universités rhénanes (celle d’Heidelberg est fondée déjà au XIVe siècle) qui se développent dans les décennies suivantes (Bâle, Strasbourg…).

Caractères typo
Un nouveau caractère typographique sera créé pour l’occasion, décliné a minima en romain, italique et gras, et diffusé publiquement à partir de novembre 2024. Téléchargeable gratuitement, il pourra être librement utilisé.
 

 

Déjà auréolée des titres de capitale de l’Europe et capitale de Noël, Strasbourg devient en outre la première ville française Capitale mondiale du livre, un label créé en 2001.

Chaque saison de l’année 2024 est scandée de temps forts pour plonger dans la lecture, rencontrer des auteurs, découvrir de nouvelles manières de lire, sous le mot d’ordre : « Lire notre monde ».

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Chapitre 2 : Un printemps fécond

Qu’est-ce qu’une lecture perpétuelle ? C’est « la grande lecture » qui marque l’inauguration de la manifestation. Dans plus de 100 lieux de Strasbourg, une lecture perpétuelle durera trois jours, du 26 au 28 avril : au boulot, à la bibliothèque, dans le tram et dans les bars, dans les commerces ou dans la rue, cette lecture prend toute forme de partages : les récits se décomposent en vers, en prose, en slam et en chansons.

Le programme s’annonce passionnant : on pourra écouter des textes de situationnistes dans le boulevard de la Victoire, le discours du général De Gaulle depuis le balcon de l’Aubette, les mots de Goethe depuis la plateforme de la cathédrale, des textes sur l’endurance aux Bains municipaux...Des journalistes présenteront de grands textes de reporters de guerre. 

Balcon Aubette
Du balcon de l’Aubette, on pourra entendre des discours du Général De Gaulle © L'aubette

Et les auteurs invités sont de marque : l’écrivain Laurent Gaudé, l’historien Pascal Ory, l’écrivain ukrainien Andréi Kourkov, l’une des cibles actuelles de Poutine…

Chapitre 3 : Un été avant l’heure, ou quand le printemps s’éternise

Que savez-vous de Gustave Doré ? De Julie Doucet ? Tous deux sont des illustrateurs de talent qu’il faut absolument découvrir grâce à deux expositions : « La constellation Gustave Doré : une traversée dans l’édition illustrée au XIXe siècle », au palais Rohan, et « Rétrospective Julie Doucet » au musée Tomi Ungerer, pour découvrir cette importante figure québécoise de la BD alternative.

Faisant le grand écart entre les read-datings pour rencontrer son âme-sœur de la littérature (le 28 avril dans les médiathèques de la ville) et les livres révélateurs de la psyché de Berlin (au Ceeac), les rendez-vous se déclinent aussi à l’opéra et au théâtre...

L’été, avec ses jeux olympiques et paralympiques, parie sur « lecture et sport », invite à un pique-nique littéraire franco-allemand (le 13 juillet), propose un dispositif artistique au pied de la cathédrale (« Pages blanches ») et lève le voile sur la statue de Gutenberg, sur la place du même nom, lors de l’exposition « Place à Gutenberg », un monument de David d’Angers, au musée historique. 

La ville ouvre sa galerie d’art en plein air en exposant les clichés pris en 2023 dans le cadre de « Inside Out X », le projet artistique créé par le célèbre photographe et street artiste JR : des portraits de lecteurs avec livre.

 

Chapitre 4 : Un automne idéal

Quel est le mode d’emploi des enfantillages ? Mais non, tout s’embrouille dans la fantaisie de la rentrée strasbourgeoise ! L’exposition « Mode d’emploi » (au Mamcs) est un clin d’œil au chef d’œuvre de Georges Perec, La vie, mode d’emploi. Il s’agit ici de toucher aux œuvres dites à protocoles qui parcourent la création contemporaine depuis 1960. 

A voir aussi, l’exposition « Enfantillages, l’Alsace et les prémices de l’illustration jeunesse aux XIXe et XXe siècles », au Palais Rohan : un thème peu traité dans une région à cheval entre France et Allemagne. 

La capitale du livre persiste dans les enfantillages avec l’exposition éponyme, sous-titrée « L’anti-pédagogie de Tomi Ungerer et l’illustration contemporaine », au musée Tomi Ungerer. 

Et bien sûr, direction le rendez-vous intellectuel et culturel de la rentrée à Strasbourg : « Les bibliothèques idéales ». Lors de ces rencontres croisées, le texte répond à la musique, au dessin, à la danse et à la performance : c’est toujours réjouissant. 

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Chapitre 5 : Un conte d’hiver

Collision de capitales cet hiver, ou quand la capitale de Noël rencontre la capitale du Livre. Le livre et la lecture sont donc conviés au cœur de l’hiver pour faire vivre les contes et la notion de merveilleux. De quoi se nourrit le merveilleux ? D’intelligence artificielle ? Ce thème d’actualité brûlante sera en débat dans les médiathèques de l’Eurométropole du 15 au 30 novembre.

Après le déluge de bonnes ondes propre aux fêtes de fin d’année, des thèmes très sérieux seront traités début 2025, comme une gueule de bois nécessaire au réveil des consciences : une journée d’étude sur la censure, en écho au rapport d’un eurodéputé polonais pointant le retour de la censure ; et un colloque sur des livres plus écologiques. 

L’ambition de cette manifestation protéiforme ? Faire vivre le réseau international World book capital et donner à découvrir les littératures du monde entier ainsi que des formes de lectures moins habituelles (lors du Festival du livre audio et du podcast, notamment).

En n’oubliant personne : les enfants, les réfugiés, les femmes, les détenus...En faisant ainsi de la lecture un outil d’ouverture pour les premiers, de réconfort pour d’autres, de libération pour elles, d’évasion pour certains...

Auteure : Lucie Michel

Sont prévues de nombreuses autres manifestations durant l’année Capitale mondiale du livre 2024, qui s’étale du 23 avril 2024 au 22 avril 2025. Programme complet : ici.