Maître peintre en bâtiment, le Strasbourgeois Thierry Knab accompagne de nombreux particuliers et professionnels dans leurs rêves décoratifs. Entretien avec un avant-gardiste qui manie les couleurs avec une grande agilité.
Comment êtes-vous tombé dans la peinture ?
Depuis petit. Mon père développait des patines de style. Avant de me lancer en tant que maître peintre, j’ai commencé par travailler dans l’entreprise familiale. Puis l’entreprise Steiner est venue me chercher. Puis j’ai travaillé pour la société de platerie Staff et Stuc. C’est là que j’ai un peu développé les enduits à la chaux. On faisait beaucoup de restauration de monuments historiques. La chaux permettait d’ajuster un alliage au process.
Ce sont ces techniques spécifiques qui vous ont poussé à vous lancer à votre compte ?
Oui. J’ai cheminé avec les Compagnons du Devoir et je suis devenu maître peintre. J’ai démarré en 1993. J’ai pris le pari un peu avant-gardiste des enduits à la chaux. Je me fournissais en Italie. Puis j’ai commencé à fabriquer moi-même, à me spécialiser dans la peinture à la chaux ou les reprises de stuc pierre, toujours avec cette inspiration qui me vient de l’art classique et des techniques anciennes. Je me fournis aussi chez Chaux BOEHM & Cie qui a uniquement des produits naturels. Parfois, il m’est même arrivé d’échanger avec des boulangers pour prendre des idées pour mes gravures sur chaux. Mais des peintres ou graveurs du XVIe siècle peuvent également m’inspirer, comme Pierre Brueghel qui faisait des personnages très détaillés.
« J’aime beaucoup travailler le marmorino »
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Les bonnes recettes de Thierry Knab, maître peintre en bâtiment © ATK
A partir de quels matériaux aimez-vous réaliser vos peintures décoratives ?
J’aime beaucoup travailler le marmorino (ndlr : le marmorino est un plâtre particulier, composé de chaux éteinte et de carbonate de calcium, protagoniste de nombreuses décorations dans les bâtiments italiens). Et quand on se passionne pour un produit, on va à la source, c’est-à-dire en Italie. J’ai beaucoup farfouillé par là-bas. J’ai trouvé un fournisseur qui me fabriquait les produits, un artisan niché au bord du lac de Côme.
D’autres régions du monde vous inspirent-elles ?
Le Maroc où je suis parti pour les vacances. En me baladant dans Marrakech, j’ai rencontré de vrais artistes qui font encore leurs mélanges avec des œufs. J’ai pu explorer beaucoup de chantiers différents grâce à un artisan que j’ai rencontré sur place et qui m’a un peu pris sous son aile pour m’aider à m’introduire. J’ai pu voir des riads traditionnelles magnifiques. Le riad marocain représente l’architecture typique traditionnelle marocaine. Il est connu pour ses murs, ses sols recouverts de mosaïque, les nuances de couleurs. La plupart ont été transformés en hôtel ou en maisons d’hôtes.
« C’est l’esprit qui commande l’œil qui commande la main »
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Réalisation de piliers qui s’enfoncent dans une piscine en marmorino à la Fondation Louis Vuitton © ATK
Pouvez-vous nous citer quelques chantiers majeurs auxquels vous avez participé ?
J’ai œuvré sur près de 300m2 de stuc pour les murs de la cage d’escalier de l’hôtel de ville de Strasbourg. A Neuilly, à côté de Paris, pour la Fondation Louis Vuitton, on a réalisé des piliers qui s’enfoncent dans une piscine en marmorino. J’ai aussi réalisé quelques chantiers à la chaux pour des particuliers qui habitent dans le Lubéron, une très belle région préservée du Vaucluse. J’ai fait quelques chantiers de prestige, comme cet hôtel particulier à Saint-Gervais en Haute-Savoie. C’est un métier qui m’amène à voyager. J’œuvre également dans de nombreuses chambres de l’hôtel Beaucour situé rue des Bœufs, à côté de la place du Corbeau, à Strasbourg, où j’ai carte blanche pour revisiter avec de la chaux le style alsacien sur les tapisseries, les poutres, etc. J’ai aussi pu travailler sur la patine d’origine au Musée historique de la ville, sur une douche à l’italienne en béton ciré ou encore sur le mobilier d’une salle à manger vénitienne. En vérité, je réalise des choses spécifiques que beaucoup d’entreprises ont un peu abandonné. Mon travail est très délicat. Il faut avoir l’habitude, prendre le temps de composer ses teintes, de façonner ses couleurs à la main, de fabriquer son produit. Chaque chantier demande une grosse préparation en amont. Je passe beaucoup de temps en amont avec chaque client. Parfois, je me déplace pour 30m2 chez un particulier comme je peux me déplacer pour beaucoup plus grand dans un hôtel. On vient souvent me chercher en sous-traitance dans le cadre d’un marché où l’entreprise en question ne sait pas faire telle ou telle prestation.
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Qu’aimez-vous dans votre métier ?
C’est le fait de relever tous les challenges, toutes les demandes que je reçois, même les plus incongrues. C’est ça l’artisanat. C’est la demande spécifique qui créé la nécessité, comme quand un architecte me demande une décoration qui correspond à un cahier des charges bien précis. J’aime l’assemblage, l’aspect créatif de mon métier. La peinture, c’est un geste méditatif, automatique. C’est l’esprit qui commande l’œil qui commande la main. Il y a toute une décomposition. En vérité, aujourd’hui, tout ce qui est bio est sacré. Mais c’est bien souvent de la communication. Pour ma part, j’ai toujours fait du 100% naturel mais avant tout car le produit me plaît, car la couleur me plaît, et non pour répondre à une mode.
Recevez-vous des groupes ?
Non, je ne le fais plus. J’ai continué à former des apprentis tout au long de ma carrière. J’ai notamment accompagné des jeunes des Compagnons du devoir dans leur perfectionnement. A l’heure actuelle, je navigue entre Strasbourg et Annecy où j’ai un pied-à-terre. J’aime beaucoup ces deux régions. J’en profite pour faire des chantiers dans les stations alentour. Je m’occupe en ce moment de la restauration d’une belle cage d’escalier. En décapant les murs, on a retrouvé du faux marbre qu’on a restauré sur cinq niveaux. J’arrive en toute fin de ma carrière mais ce sera toujours ma passion.
Recueilli par Florian Dacheux
INFOS PRATIQUES
- ATELIER THIERRY KNAB
- 38 Rue Baldner, 67100 Strasbourg
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