Strasbourg se réveille lentement de sa torpeur post-confinement.
Un réveil tout en douceur porté par des manifestations de vie ici et là, allant des œuvres surprenantes de l’industrie magnifique, jusqu’à l’ouverture assumée des terrasses strasbourgeoises qui annonce l’été de la plus chaleureuse des manières…
En ce temps marqué par les restrictions sanitaires et les confinements successifs, il nous paraissait inimaginable il y a encore 3 mois, de voir défiler au centre de Strasbourg un cortège de joie et de paillettes aux couleurs de l’arc-en-ciel, tel que celui que seule la Marche des visibilités LGBTQIA+ était réputée pouvoir nous offrir.
C’était samedi 12 juin, et ce fut un moment mémorable ! Parce qu’il y a autant de communautés que de couleurs et de nuances, les minorités ont elles aussi, le droit de briller et -à vrai dire- pas seulement le temps d’une marche.
Une marche qui réunit tout de même, des milliers de personnes autour de valeurs humaines primaires telles que la solidarité, la joie de vivre et l’amour dans le respect du consentement et dans l’acceptation des différences.
Il est vrai que nous avions l’habitude de voir une Marche des visibilités déambuler toute en fanfares avec ses chars et ses mises en scène réputées, mais le contexte en a voulu autrement, ce qui n’a pas découragé ni déçu les 8.000 personnes venues affirmer leur joie d’exister, leur droit d’aimer et d’être aimées et respectées, toutes différences confondues.
Pour une meilleure visibilité des minorités !
Tous connaissent maintenant le sens du mot Gay ou Lesbienne… Mais combien d’entre nous savent ce que veut dire le sigle LGBTQIA+ ? Peu à vrai dire, car les préjugés dominent, d’où le raccourci que l’on entend souvent « Gay Pride »… ce qui signifie la fierté gay, mais la Marche des visibilités n’en est pas une, affirme Adrien BOISSONNET, membre de l’association Festigays :
« Ce n’est pas une Gay Pride, il ne s’agit pas non plus d’affirmer une fierté de quoi que ce soit, mais plutôt de rappeler le droit d’exister. La marche des visibilités est née d’une démarche qui se veut inclusive, sans distinction entre les genres. Les revendications des minorités non hétérosexuelles, qu’elles soient Lesbiennes, Gays, Bisexuelles, Transsexuelles et ainsi de suite … sont entendues à parts égales, pour le droit d’exister de chacun et son droit à la vie en société, sans discriminations ni préjugés ».
En effet, malgré la prise de conscience et les opérations de sensibilisation qui ont lieu chaque année en France, L’homophobie, à l’instar de toutes les manifestations de « phobie » des différences, est encore bien ancrée dans notre société. La Marche des visibilités qui anime chaque année les ruelles séculaires de l’Eurométropole française, est donc là pour donner de la puissance aux voix les moins entendues habituellement.
Prenons par exemple une des minorités représentées, celle définie par la lettre « I » dans la sigle LGBTQIA+. Celle-ci représente le terme « Intersexe » qui peut par exemple désigner (entre autres) une personne née ni homme ni femme, ou les deux en même temps. Il existe en réalité plusieurs raisons à cela, comme avoir un organe sexuel masculin et un organe sexuel féminin…
Environ 200 enfants sur 800.000 qui naissent chaque année en France sont intersexes, ce qui représente une minorité dont nous n’entendons que très peu parler mais qui doit tout autant avoir le droit d’exister et de s’exprimer sans tabous, sans discrimination, harcèlement ou pression sociale.
« On n’est pas dans le communautaire, on veut inclure toutes ces personnes là, qui ont été rejetées et ont eu du mal à être acceptées dans la société, telles qu’elles sont », dit Adrien BOISSONNET, avant d’ajouter : « Les lois sont en perpétuel mouvement et c’est pour cela qu’il nous faut constamment nous manifester, que ce soit pour leur simple maintien, ou pour leur évolution en terme de protection des droits des minorités ».
On peut dire en effet que la manifestation, par sa joie et son mode opératoire pacifiste, a atteint son but, celui de sensibiliser et de perpétuer la tradition d’une marche annuelle des visibilités et des droits pour les minorités, puisqu’on voit clairement une « transmission générationnelle » dans la démarche de l’association Festigays. A vue d’œil, au moins les deux tiers des participants avaient moins de 30 ans selon l’association.
Côté organisation, la Marche avait prévu son starting-block devant le Palais universitaire pour réaliser une boucle reliant les quais du centre historique de la ville au quartier de la Krutenau.
La crise sanitaire a imposé aux organisateurs un programme différent, puisque les traditionnelles soirées dansantes ont été abandonnées cette année, par mesure de sécurité et par principe de responsabilité : « Ce qui s’organise plusieurs mois en amont, il a fallu le faire en à peu près 1 mois cette année… Ce qui est incroyable ! Heureusement que notre ferveur a dépassé toutes ces difficultés et il y avait une réelle volonté politique de la mairie qui a permis de soutenir cette action », s’enthousiasme Adrien BOISSONNET. « Nous avons fait de notre mieux afin de réduire les risques de clusters. La police est même revenue vers nous à la fin de la manifestation, ravie de la réactivité de notre équipe, mais surtout du ton donné à la manifestation : On était là pour partager quelque chose dans le positif… on n’était pas « Anti-quelque chose» mais « Pour » l’amour, la solidarité, la paix ! Au tout début, on se demandait comment on allait pouvoir donner un ton joyeux, sans mettre de musique pour galvaniser cette jeunesse ? Comment allions nous faire pour montrer et partager le bonheur de manière responsable tout en s’adaptant à la situation sanitaire actuelle ? Finalement, ça s’est fait tout naturellement, grâce aux manifestants eux-mêmes et au sens de responsabilité de chacun». Conclut Adrien BOISSONNET, heureux d’avoir pu contribuer avec l’ensemble des membres de l’association Festigays, à la réussite de cette édition annuelle de la Marche des visibilités de Strasbourg.
Le temps d’une journée éphémère, les couleurs se sont succédées et la joie s’est répandue le long des quais, rappelant à nouveau, l’esprit vivant de l’Eurométropole.
Auteure : Hanane Geyer
A propos de l'auteure
Rédactrice et réalisatrice multimédias, Hanane a travaillé au Pays basque français, en Italie et au Maroc, avant de s’installer en Alsace, captivée par la beauté et la richesse de notre région.
Avec un double cursus médiation linguistique interculturelle à Sciences Po. à Milan précédée par une prépa à l’ENSBA de Montpellier, elle maîtrise 5 langues à l’écrit comme à l’oral et pratique l’illustration digitale à main levée. Hanane intervient auprès des établissements scolaires du deuxième cycle, mettant en place des projets d’éducation à la déontologie des médias et à l’utilisation responsable des réseaux sociaux.