La Grande Illusion : l’histoire de ce chef d’œuvre du cinéma tourné au château du Haut Koenigsbourg
Le Haut-Koenigsbourg, c’est ce magnifique château fort médiéval perché sur les hauteurs de la plaine d’Alsace. Construit à partir de la moitié du XIIème siècle, il est l’un des emblèmes historiques de notre région, et chaque année, c’est près de 600 000 personnes qui viennent du monde entier pour le visiter. Mais alors, quels secrets renferme-t-il ? Ouvrons ensemble une page d’Histoire et de cinéma méconnue, écrite au château, par Jean Renoir, il y a près de 90 ans pour son film : La Grande Illusion.
Peu de gens le savent, mais l’histoire récente du château du Haut-Koenigsbourg ne s’est pas seulement écrite grâce au tourisme, elle a également été projetée au cinéma, et qui plus est dans un film à succès salué par la critique.
Chef d’œuvre de Jean Renoir, La Grande Illusion est un film tourné à l’époque de l’entre deux guerres, en 1937 et dont les acteurs fétiches sont : messieurs Jean Gabin et Pierre Fresnay.
Construit en partie comme un huit clos, évidemment en noir et blanc, il fut tourné en pleine rigueur hivernale, dans le froid glacial de l’Alsace d’antan.
L’Action du film se trouvant en Allemagne, le château du Haut-Koenigsbourg, avec ses décors de style germanique et ses portraits de Guillaume II, collaient parfaitement aux besoins du film, et son ambiance de forteresse austère, ainsi que ses grands murs de pierre dont on ne s’échappe pas, aurait séduit le réalisateur. Et lorsque l’on lit le synopsis du film, on comprend mieux pourquoi.
Un scénario qui colle à la peau du château
« Première Guerre mondiale. Deux soldats français sont faits prisonniers par le commandant von Rauffenstein, un Allemand raffiné et respectueux. Conduits dans un camp de prisonniers, ils aident leurs compagnons de chambrée à creuser un tunnel secret. Mais à la veille de leur évasion, les détenus sont transférés. Ils sont finalement emmenés dans une forteresse de haute sécurité dirigée par von Rauffenstein. Celui-ci traite les prisonniers avec courtoisie, se liant même d'amitié avec Boeldieu. »
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Un hiver qui fait rage, une nuit omniprésente, un décor et une atmosphère confinée, un officier à la fois tout-puissant et élégant, le château alsacien était tout trouvé pour tourner ce film qui devait donner une impression de forteresse dorée dont nul ne s’évade.
Dans ce lieu où les personnages joués par Jean Gabin et Pierre Fresnay sont enfermés, il règne une ambiance sombre et austère, suggérée par la nuit, l’hiver et les vieilles pierres monochromes du château. Tous ces éléments soulignent la résignation des prisonniers, leur enfermement définitif, et la fin de leur espoir de s’en sortir. Mais au milieu de tout cela, le commandant von Rauffenstein joué par Erich Von Stroheim offre son amitié à ses prisonniers, donnant une lueur d’espoir à ces deux pauvres prisonniers. Et peu à peu, le film s’éclaircit.
Le château du Haut-Koenigsbourg, qui parait à la fois rude pour les deux héros, et confortable pour leur « ami bourreau », colle parfaitement au scénario. Il fallait donner un sentiment de hauteur, de toute-puissance, d’élégance et d’enfermement, et c’est vraiment réussi.
Au fur et à mesure du film, le spectateur s’attache au commandant Von Rauffenstein, perçoit de l’espoir pour les prisonniers, mais la fin théâtrale du film nous renvoie très vite à une dure réalité qui va au-delà du cinéma.
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Un film poignant, un véritable chef d’œuvre du cinéma rattrapé par l’Histoire
La Grande Illusion, malgré son grand âge, est un film tourné dans un décor époustouflant, qui parle d’amitié, de persévérance, d’abnégation, et qui dévoile la cruauté de la guerre. Salué par le public, mais aussi par les plus grands réalisateurs, c’est un long-métrage qu’il faut voir, et où Jean Gabin est au sommet de son art.
Orson Welles, le réalisateur, en témoigne : « Si j'avais un seul film à emporter sur mon arche, à sauver pour la postérité, ce serait La grande Illusion de Renoir ».
Franklin Roosevelt quant à lui aurait dit « Tous les démocrates du monde devraient voir La grande illusion ».
Banni par le monstre Goebbels dans les années 40, qui désigna La Grande Illusion comme « ennemi cinématographique numéro un », le film a pourtant traversé les années et les époques en s'imposant comme une référence incontournable que l’on a presque oublié.
Encore une raison de plus de le voir et de penser à l’histoire du film mais aussi à celle de l’Alsace.
Auteur : Bastien Pietronave