Une Italienne amoureuse de Strasbourg… La soprano Francesca Sorteni chante la folie dans un répertoire de Haendel, le 15 septembre à l’église Saint-Guillaume.
Un plan B
Rien ne destinait Francesca Sorteni à devenir chanteuse d’opéra puisqu’elle a fait des études de pharmacie. La soprano est née à Val Camonica en Italie en 1988, dans la montagne sur les hauteurs de Brescia, dans le nord de l’Italie. « Mes parents voulaient que j’étudie quelque chose de plus sérieux que le chant…Je les comprends, ce n’est jamais certain, la musique. » Francesca Sorteni est ravie d’avoir terminé ses études puisque c’est pour elle « un plan B » si la musique n’est plus au rendez-vous un jour. « Donc je remercie mes parents ! »
Une lubie
« Mon petit frère a toujours détesté quand je chantais à la maison, rit la soprano. Maintenant, il commence à dire que ce n’est pas mal… » Francesca Sorteni n’a, heureusement pour son frère, commencé à chanter qu’à 17 ans, ayant découvert le chant et l’opéra en regardant un film sur la prestigieuse cantatrice Maria Callas : une destinée et des musiques qui lui ont donné la chair de poule et l’ont décidée à embrasser une carrière semblable. « Quand j’ai dit à mes parents que je voulais chanter, ils ont cru que c’était une lubie, que ça passerait. » La soprano l’avoue sans détour: elle n’était jamais allée à l’opéra avant de découvrir ce film.
A Bayreuth
Parallèlement à ses études de pharmacie, Francesca Sorteni étudie le chant au Conservatoire G. Verdi de Milan. Depuis, elle est lauréate de plusieurs prix, notamment le Grand Prix Opéra du Concours international de chant de Marmande en 2016 et le 1er prix du Concours International de Chant Mario Lanza. Elle a été boursière au festival de Bayreuth en 2017. Et elle a fait ses débuts en 2013 dans les rôles de Carolina (Il matrimonio segreto) à Mantoue, Nannetta (Falstaff), Zerlina (Don Giovanni).
L’aventure à Strasbourg
Quand elle était encore au Conservatoire de Milan, Francesca Sorteni a passé des concours pour chanter dans différents opéras, ce qui lui a permis d’intégrer l’Opéra Studio de l’Opéra national du Rhin, dont elle a fait partie de 2015 à 2017. Elle y a interprété le rôle-titre de Cendrillon de Wolf-Ferrari, le rôle-titre de Mririda d'Essyad… Au conservatoire de Strasbourg, elle s’est spécialisée en chant baroque. Et elle a décidé de s’installer dans la capitale alsacienne.
Le cliché italien
La chanteuse italienne s’est d’emblée prise de passion pour Strasbourg alors qu’elle ne parlait pas un mot de français : seulement de l’anglais, ce qui n’était pas très utile. Donc elle s’exprimait beaucoup avec les mains. « Le vrai cliché italien ! ». Très paradoxalement, les confinements l’ont aidée à s’intégrer. Limitée comme tous à un périmètre de sortie de 1 km, elle a tellement arpenté son quartier qu’elle a eu le temps de bien l’appréhender. Et puis elle chantait souvent sur sa terrasse : « Ainsi, les gens ont appris à me connaître ! ». Son oreille musicale ayant fait le reste, elle a rapidement maitrisé le français.
Tombée en amour
C’est peu de dire que Francesca Sorteni aime sa nouvelle ville, dans laquelle elle se sent si à l’aise. « Ici, je me sens chez moi. Quand je suis à Paris, je suis en France, mais ici c’est différent. C’est un peu comme la vallée d’où je viens en Italie, il y a un fort sentiment d’appartenance. Je sens que les Alsaciens sont attachés à leur culture, ce que j’apprécie énormément. »
Sous les ors de la Fenice
L’artiste se réjouit que Strasbourg soit proche des villes et des pays où elle se produit sur scène : Paris, l’Allemagne, l’ouest de la France, Tallin, Minsk…Et du nord de l’Italie où elle a chanté sur la scène du prestigieux opéra de Venise, la Fenice, en février dernier : elle y incarnait Lucietta dans Barouf, une création mondiale d'après Goldoni pour le Carnaval de Venise.
L’orgue-orchestre
Le rôle que rêve d’incarner Francesca Sorteni à l’opéra est celui d’Alcina, un opéra en trois actes de Haendel quel opéra. C’est d’ailleurs celui qu’elle chantera en partie lors du concert du 15 septembre avec l’organiste Cyril Pallaud. Tous deux ont imaginé ensemble ce répertoire, qui donne aussi à entendre Cléopâtre, dans un extrait tiré de l’opéra Giulio Cesare de Haendel (1723). Comment adapter un rôle d’opéra à une formation si restreinte ? « L’orgue s’adapte très bien grâce à ses différentes sonorités qui évoquent différents instruments : les flûtes, les violons...Il offre de nombreuses possibilités, c’est une sorte d’orchestre à lui seul.
La reine du jeu
« J’aime la personne un peu folle qu’est Alcina, et j’aime surtout jouer des personnages qui ne sont pas du tout ce que je suis en réalité. » L’artiste dit ainsi avoir adoré interpréter sur scène un travesti : « C’était un défi de jouer ce personnage. Sur scène, on peut faire des choses qu’on ne fait pas dans la vie réelle. C’est un jeu. Plus le personnage est bizarre, plus c’est un défi pour moi de l’incarner. » L’un de ses meilleurs souvenirs récents est celui du rôle d’un personnage ivre, à l’opéra de Nancy. Mais incarner un personnage en chantant, précise-t-elle. « Si je dois parler, je ne suis pas aussi à l’aise. Alors qu’en chantant, c’est comme si je portais un masque. » Ce qui est très fatigant, avoue l’artiste, qui ne cache pas à quel point elle se sent vidée à l’issue d’un concert ou d’un opéra.
La bouchée à la reine
L’endroit préféré à Strasbourg de la chanteuse italienne ? La cathédrale, qu’elle voit de partout, de chez elle et même de très loin, où elle rêverait de chanter un jour. Et son restaurant italien préféré ? Il n’y en a pas. « Ici, je mange français. De la bouchée à la reine, mon plat préféré. » Et de la galette des rois à la frangipane, glisse-t-elle. La pizza, elle la réserve à l’Italie.
Concert de Francesca Sorteni (soprano) et Cyril Pallaud (organiste), dans un répertoire de Haendel, à l’église Saint-Guillaume, 3 rue Saint-Guillaume, à 20 h. Entrée et placement libres (prix recommandé : 10 €). Un concert organisé par l’association Passions croisées.
Auteure : Anne Vouaux