Son nouveau siège permet au Port autonome de Strasbourg (PAS) de se rapprocher de ses clients le long du Rhin. En tournant le dos à son siège historique du centre-ville, il s'ouvre aux défis du XXIe siècle, notamment à l'accueil de conteneurs, appelés à être toujours plus nombreux. Plus de 1000 arrivent là par jour. A la découverte du PAS, ce Strasbourgeois méconnu, en sept points.
Chaleur fatale
1 rue du Port du Rhin : l'adresse sonne comme une évidence pour le nouveau siège du Port autonome de Strasbourg (PAS). Et l'affaire a été menée tambour battant : l'appel d'offre pour sa construction a été lancé en 2017 ; sa première pierre a été posée en janvier 2019, après la démolition d'un bâtiment implanté sur la parcelle ; le nouveau siège a été inauguré le 24 juin 2021. En avril, 70 agents des services administratifs et financiers y ont emménagé dans leurs bureaux.
Au cahier des charges du cabinet d'architectes strasbourgeois Rey-de Crécy, figuraient les impératifs de regrouper le personnel, de créer des espaces de travail communs, de faire largement place à la lumière et de répondre à des exigences d'isolation thermique et acoustique.
Les 2800 m² sont raccordés à un réseau de chaleur dite « fatale ». Il s'agit de la chaleur dérivée de l'activité des différentes usines implantées dans la zone. La chaleur récupérée est utilisée pour chauffer différents sites. « Cette démarche d'écologie industrielle dans le port a été initiée par l'Eurométropole et le PAS », souligne Frédéric Doisy, directeur général délégué du PAS depuis 2015 et président des sociétés Batorama et Rhine Europe Terminals.
Cohabitation au bord du Rhin
A la tête d'une zone portuaire située à l'est de Strasbourg, le PAS a concrétisé son souhait de se rapprocher physiquement de ses clients et de mieux appréhender leur activité. En s'installant en face de l'ancienne capitainerie du port, il se donne aussi une meilleure visibilité. « Au plus proche des bassins et voies ferrées où est réalisée près de 70 % de l’activité fluviale et ferroviaire du port », a commenté son directeur général Jean-Louis Jérôme lors de l'inauguration, à quelques semaines de son départ à la retraite, prévu cet été.
« Nous sommes à l'interface d'un nouveau quartier d'habitation (le quartier de la Coop, ndlr) et des activités portuaires. Nous avons traité au mieux cette cohabitation », poursuit Frédéric Doisy. Une réflexion a ainsi été menée sur la voirie, avec la distinction des flux du port et ceux des futurs habitants de la zone. Largement détériorée par les années, la rue du Port du Rhin a été totalement réaménagée, sa piste cyclable et ses passages piétons ont été sécurisés ; un axe nord-sud de la zone a été réaménagé.
« La route du Petit Rhin sera totalement dédiée au trafic des habitants du quartier Starlette, au bord du bassin Vauban. » La sécurisation des axes de déplacement est d'autant plus importante, précise Frédéric Doisy, que l'activité portuaire continuera à exister sur cette zone appelée à être partiellement habitée.
Siège historique en vente
Le déménagement était devenu nécessaire car le port, autrefois situé en ville (sur l'actuel site Malraux) s'est déplacé progressivement vers le Rhin. Situé aux 25 et 27 de la rue de la Nuée-Bleue, son siège historique est en vente, comme l'annonçait la presse alsacienne en novembre 2020. Cet immeuble d'une surface de 3600 m² a été construit dans un style Renaissance après la conquête de l'Alsace par Louis XIV. Sa façade de grès rose mêle des éléments traditionnels germaniques au goût français du XVIIIe.
Le bâtiment est acquis par le comte Antoine d’Andlau et son épouse Marie-Anne de Klinglin en 1713. Par la suite, il devient le siège de la Grande Prévôté (1737-1790), de l’école de droit puis du séminaire diocésain (1807-1823), de la direction des Postes... Et en 1928, le siège du Port autonome de Strasbourg, deux ans après sa création.
« Nous pourrons communiquer dans quelques semaines sur le projet du futur acquéreur », annonce Frédéric Doisy. Certes, le bâtiment était prestigieux, mais n'ayant jamais été conçu comme un immeuble de bureaux, il n'était pas vraiment fonctionnel. « Il fallait envisager des travaux de rénovation, avec toutes les difficultés d'organisation que cela engendre. Nous avons estimé qu'il était plus avantageux de construire un nouveau siège sur notre terrain, rue du Port du Rhin. »
Plus de 1000 conteneurs par jour
Quand le Port autonome de Strasbourg est créé en 1926, pour succéder au port municipal qui préexistait, il réunit la ville de Strasbourg, qui met le foncier à disposition, et l'État, qui aménage de nouvelles darses (bassins) pour des bateaux supplémentaires et une gare ferroviaire. Devenu établissement public, il entretient notamment la voirie, les voies ferrées et les gares de triage, les portiques pour le transport des conteneurs et tous les équipements nécessaires aux entreprises locales... Il assure aussi la viabilisation des terrains.
« Actuellement, le port génère une activité de 7 à 8 millions de tonnes par an en transport de marchandises par voie d'eau et voies ferrées. Il s'y échange 400 000 conteneurs par an », indique Frédéric Doisy. Si l'activité est stable depuis une dizaine d'années, le port cherche à la développer, et pour cela, « il faut que les entreprises disposent de quais de déchargement à proximité de leur site. »
Y transitent essentiellement des céréales, du gravier et des hydrocarbures, qui ont peu à peu remplacé le charbon et les matériaux de construction. « Cela dépend de l'activité des entreprises qui utilisent les infrastructures du port. » Elles sont environ 500 implantées dans la zone portuaire, dans des secteurs d'activités allant de la métallurgie à la logistique, en passant par l'énergie. Le port reçoit régulièrement de nouvelles demandes de la part d'entreprises, et les 600 hectares de terrains sont actuellement occupés à 90-95% de leur capacité.
Comment se déplace un port
« On doit anticiper les départs d'entreprises et communiquer sur le foncier disponible », estime Frédéric Doisy. Ainsi, quand une entreprise quitte un terrain, celui-ci est reloué. Ou pas, comme ce fut le cas sur l'emprise aujourd'hui destinée aux futurs quartiers d'habitation. Certaines entreprises sont relocalisées ailleurs sur la zone portuaire.
D'une surface totale de 1000 hectares, celle-ci compte des terrains, des quais, des bassins et des voies ferrées. N'étant pas propriétaire de tous ces terrains, le port en rachète quand se présente l'occasion, en vue d'aménager de plus vastes parcelles et de se rendre compétitif face aux autres ports sur le Rhin.
L'appel du Nord. Mais le Port autonome de Strasbourg ne se limite pas à la capitale alsacienne. Il a inauguré en 2019 un nouveau terminal portuaire à Lauterbourg, plus au nord, connecté au Rhin et à la route. Il met ainsi 40 hectares supplémentaires à disposition des entreprises, des « parcelles potentiellement attractives », selon Frédéric Doisy.
Le futur est à l'Est
Les projets du PAS sont essentiellement de deux ordres. D'une part, il s'agit de poursuivre sa mutation écologique, notamment par l'électrification à quai pour les bateaux de croisières, par l'accompagnement de nouvelles énergies (tel l'hydrogène), par la mise à disposition de terrains au bord de l'eau, par un usage plus large de la chaleur fatale...
D'autre part, le port souhaite continuer à promouvoir la multimodalité entre voies fluviales et ferrées, et routes. L'enjeu est important car le trafic des conteneurs, qui transitent par des ports tels que ceux d'Anvers et de Rotterdam, augmente régulièrement depuis quelques décennies, « avec un réel potentiel de développement », assure Frédéric Doisy. Et le trafic ferroviaire de conteneurs devrait doubler d'ici 20 ans, notamment grâce aux trains de marchandises en provenance directe d'Asie. « Un train venant de Chine met moins de 20 jours pour arriver. En bateau, c'est deux fois plus long. » Anticipant cette activité nouvelle, le PAS envisage donc de construire un nouveau terminal ferroviaire, au sud de la zone portuaire, d'ici 5 ans. Illustration d'un port en adaptation permanente.
Auteure : Lucie Michel