Du 25 ou 27 novembre, la Foire européenne d'art contemporain et de design de Strasbourg prend ses aises dans les halls du nouveau Parc expo. L'occasion de développer sa culture plastique et de la laisser bousculer nos évidences.
Pour cette 26e édition, les organisateurs de la première exposition d'art contemporain de province auraient pu choisir d'accueillir le plus de galeries possible, pour remplir ce bel et vaste écrin que constitue le nouveau Parc des expositions de Strasbourg. Il n'en est rien. En miroir au principe de sobriété qui dicte aujourd'hui notre société, Strasbourg Events a préféré la qualité à la profusion, tant pour les galéristes que les visiteurs.
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Valeurs sûres et jeunes pousses
« ST-ART est une amorce, note Christophe Caillaud-Joos, directeur général de la société évènementielle. Nous souhaitons retrouver notre ADN et construire un endroit d'où émergent les futurs grands talents de France et d'Europe, les étoiles montantes de l'art contemporain. Aujourd'hui, trop peu de galeries défendent des artistes vivants. Nous voulons justement garder un certain équilibre entre ces dernières et les galeries de second marché. C'est pourquoi nous avons refusé certaines d'entre elles, même si cela nous a fait mal en tant qu'organisateur ».
Au total, quelque 38 galeries exposeront cette année leurs plus belles collections, dont 9 professionnels du territoire et 7 galeries étrangères, originaires de Belgique, du Luxembourg, d'Italie ou encore de Corée. Parmi ces exposants, quelques nouveaux venus, comme Arnaud Lebecq (Paris), spécialiste de l’Asie du Sud-Est, de la Thaïlande à l'Indonésie, ou la galerie La Boucherie (Saint-Briac-sur-Mer), qui veut nous faire oublier le sujet. Des revenants, aussi, telle la galerie Mazel (Bruxelles), venue exposer la performance de l’artiste Simon Berger. Une dizaine de partenaires institutionnels les complèteront.
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Des nouvelles de Stuttgart
La ville de Strasbourg présentera notamment son programme de résidences croisées, développé il y a une vingtaine d'années pour favoriser la mobilité des artistes. Pendant 3 mois, ces derniers reçoivent un soutien financier, matériel et humain de leur ville d’accueil pour mener des recherches, aller à la rencontre des professionnels du monde de l’art et de la culture, voir nouer des liens personnels et professionnels déterminants pour la suite de leur carrière, dans un environnement différent de celui auquel ils sont habitués. Pour célébrer le 60e anniversaire du jumelage entre la capitale alsacienne et Stuttgart, le focus a été mis cette année sur le partenariat tissé entre la Haute école des arts du Rhin (HEAR) et le GEDOK de la capitale du Bade-Wurtemberg. Et surprise, les six artistes françaises et allemandes lauréates de ce programme pour la période de 2018 à 2021 - Clara Cornu, Emilie Picard, Léonie Risjeterre, Lenka Kühnertová, Caro Krebietke et Martina Geiger-Gerlach - sont toutes des femmes !
« Ces coopérations sont essentielles ; elles seront développées avec d'autres villes pour que ST-ART soit en lien avec tous ceux qui vont nous bousculer dans les années à venir. Le salon doit être un lieu de découvertes et de rencontres, de prise de contact avec le réel pour imaginer le monde de demain avec les enjeux d'aujourd'hui », précise Salem Drici, conseiller municipal en charge du salon.
Y a-t-il de l'art dans l'intelligence artificielle ?
Parmi les nouveauté de cette année, signalons l'irruption du numérique. L'influence de l'intelligence artificielle est mise à la réflexion des galéristes, grâce à l'intervention de l'école Camondo. En coproduction avec l'imprimeur Lézard graphique et l'agence IMKI, spécialisée dans l'intelligence artificielle générative au service des industries culturelles et créatives, un espace d’exposition mettra ainsi en scène les travaux d’un groupe d’étudiants venus bousculer la création traditionnelle. Dirigés par Étienne Mineur, les jeunes artistes ont utilisé et questionné les nouvelles possibilités liées aux intelligences artificielles et au deep learning dans le domaine du design, de l’architecture et du graphisme.
« Une révolution profonde est en cours, reconnaît Frédéric Rose, directeur de Lézard Graphique. Il ne faut pas voir l''intelligence artificielle comme un danger mais comme un catalyseur pour le monde de la création, dont elle va décupler les capacités. Elle permet de réaliser en deux jours des travaux qui mettraient des mois si l'être humain devait les faire. Mais elle n'est qu'un réseau de neurones dépourvu de volonté, incapable de créer ou même simplement de faire un choix ». Avant la prochaine étape, celle des oeuvres d'art virtuelles ? NFT et cryptomonnaies n'ont pas (encore) droit de cité dans les foires et salons. Les galéristes, notamment, considèrent la chose avec beaucoup de méfiance. Pour Frédéric Rose cependant, ces nouveaux titres sont un nouveau moyen de protéger certaines œuvres et de revaloriser le patrimoine.
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De la photo au cinéma, un récit « discursif »
Lieu de croisement de différentes pratiques artistiques, ST-ART accueillera aussi cette année un important volet photographique. « Strasbourg a un pouvoir d'attraction vis-à-vis des photographes ; c'est pour nous la garantie que l'avenir est devant nous », estime Ryo Tomo, directeur du festival « Strasbourg art photography ». L'édition 2022 questionnera plus particulièrement la place de la photographie dans l’art et les relations entre cinéma et photographie, avec en particulier l'installation « La belle captive », réalisée par le duo Diane Ottawa et Olivier Lelong (Dool), professeur et élève devenus couple. Cette narration autour de l’œuvre de Magritte et du film d’Alain Robbe-Grillet explore les liens d'image à image, entre différents niveaux de représentations dans la peinture, le roman, le cinéma, la photographie... Un récit discursif où les sujets animés sont surimprimés. La photo immortalise des fantômes, tandis que l'abîme qui les entoure rappelle le bain révélateur associé à la photo argentique.
Le maître de l'art brut
Enfin, un hommage sera rendu à Jean Greset, fidèle acteur du salon, disparu en avril 2022. En près de trente-cinq ans, le galériste strasbourgeois était devenu une référence majeure en France en matière d'abstraction géométrique et, plus particulièrement, d’art brut, dont il avait réunit plus de 350 œuvres. Permis celles-ci, des pièces de Bernadette Touilleux, acquises en 2015 par le musée de l’Art Brut de Lausanne pour sa collection permanente, seront exposées aux visiteurs.
Parce qu'on est tous des enfants !
« ST-ART se veut un événement généraliste, conclu Christophe Caillaud-Joos. Il s'adresse autant aux spécialistes qu'aux collectionneurs débutants. Ces derniers doivent pouvoir y trouver les valeurs sûres de l'art moderne. Nous nous attachons aussi à recevoir le public scolaire parce que pour nous, la pédagogie est aussi importante que de répondre aux besoins des collectionneurs ». Comme il est important, face à l'art, de ne pas perdre son âme d'enfant...
ST-ART, Foire européenne d'art contemporain et de design de Strasbourg
Du 25 au 27 Novembre 2022, tous les jours, de 11h00 à 20h00
Parc des expositions, avenue Herrenschmidt
Renseignements : + 33 (0)3 88 37 67 67 - www.st-art.com
Auteure : Nathalie Stey