« Cœur instamment dénudé » une adaptation contemporaine du mythe de Psyché, à ne surtout pas manquer : du mardi 11 au samedi 22 janvier au Théâtre National de Strasbourg.
Quand la mythologie réinterprétée investit la scène et s’empare du temps, c’est le moment de braver la morosité d’une situation sanitaire imprévisible et de résister : une résistance qui s’opère sur les bancs chaleureux de nos théâtres et nos salles de cinéma à l’instar de toutes les scènes artistiques et culturelles françaises.
En ce début d’année 2022, le théâtre national de Strasbourg nous propose une programmation riche et originale. Parmi les œuvres proposées, « Cœur instamment dénudé » nous interpelle et suscite notre intérêt, grâce à une écriture poétique signée LAZARE.
Dans cette comédie musicale programmée du mardi 11 au samedi 22 janvier 2022 au théâtre National de Strasbourg, l’auteur et metteur en scène associé au TNS, réinvente le mythe de Psyché, pour explorer le sens du désir et ses enjeux tout en essayant de trouver sa propre voie, son chemin d’être humain entre le vieux monde des dieux et ses mystères, et les lois abstraites du nouveau. Une multitude de personnages habite cette fable contemporaine composée de rencontres, de conflits, de poèmes, de solidarités, de chansons, tels des élans de vie au milieu du chaos.
Psyché, Vénus et Cupidon, l’analyse d’un tango originel…
Qui ne connait pas le mythe de cette jeune fille d’une grande beauté, Psyché ? Qui arriva à faire de l’ombre à la déesse Vénus jusqu’à en provoquer l’ire et la jalousie ? Ce mythe revisité par LAZARE et qui trouve son origine dans Les Métamorphoses d’Apulée, prend une toute autre forme grâce au metteur en scène.
Cupidon, dieu de l’amour et fils de Vénus qui est missionné par sa mère pour exécuter un plan de vengeance divine, tombe lui-même amoureux de Psyché qu’il emmène dans un palais magnifique, en cachette de sa mère afin de s’octroyer une chance de vivre son idylle.
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Une vision contemporaine d’un complexe mythique
La nuit, Cupidon rejoint Psyché qui ne doit jamais chercher à le voir ni à savoir qui il est. Bien qu’émerveillée par toutes les splendeurs mises à sa disposition, Psyché s’ennuie et souhaite retourner dans sa cité pour voir sa famille. Ses sœurs la persuadent que cet amant invisible n’est rien d’autre qu’un monstre, un serpent : il faut le démasquer et le tuer. Une nuit, Psyché enfreint l’interdiction, elle éclaire Cupidon et découvre le visage de l’amour. Mais l’huile de sa lampe brûle l’épaule du dieu qui s’enfuit. Dans l’angle du mur Vénus les a vu et prépare sa vengeance : Cupidon devra lui payer un loyer en devenant stripteaseur, Psyché sera bannie, vidée de sa mémoire et renvoyée en enfer sur terre.
LAZARE veut créer un récit théâtral qui va au de-là du mythe et ce, à travers plusieurs époques. « J’aspire à un théâtre qui raconte notre monde, un théâtre contemporain, réveillé sur les questions qui frappent à la porte de ce qui est à venir, et questionne avec le cœur qui bat « avec la gorge de la vie, avec ses cris d’angoisse, et ses chants, sa danse et sa soif » comme dirait Arthur Rimbaud. » Ainsi on peut lire dans la note d’intention du metteur en scène, « Comme Heiner Müller l’a fait avec Prométhée j’ai souhaité casser le mythe comme un jouet, voir ce qu’il y a à l’intérieur, y révéler la naissance de la folie capitaliste dans son monde de possession, y révéler le désir comme hallucination. Psyché est une Prométhée féminine, qui vient abolir la croyance dans les dieux anciens. Psyché est un agent destructeur. »
D’après la présentation de la pièce, Cœur instamment dénudé met donc en jeu l’opposition de trois forces : celle du mystère des temps anciens et de la puissance du culte et de la foi, représentée par Vénus. Ensuite vient la force de Psyché par sa beauté et sa conscience et de son désir de voir et de connaître l’origine du mystère… En d’autres termes : la naissance de la psychanalyse. Vient enfin, Cupidon, bloqué entre le devoir envers sa mère et son propre désir pour Psyché, qui va devoir « innover », ce qui le poussera à inventer une troisième voie pour manipuler le réel par la puissance des images et du narcissisme. LAZARE affirme que c’est peut-être la lutte de ces trois forces qui creuse le chaos du monde.
LAZARE écrit le théâtre de telle sorte qu’il puisse s’exprimer librement. « Bien sûr, j’aime l’humour et je veux pouvoir offrir aux acteurs le bonheur de bouffées burlesques. Dans Cœur instamment dénudé, j’ai beaucoup écrit en vers − non académiques. Dans cette liberté, il y a un travail de chaque mot, chaque son. » Affirme le metteur en scène auprès de Fanny MENTRE, collaboratrice littéraire et artistique au TNS.
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La relation du dramaturge au théâtre est fusionnelle et les conditions actuelles n’ont pas échappé à son analyse. Lorsqu’on l’interroge sur la situation de la culture dans ce contexte plus que morose, le metteur en scène, bien qu’il en soit affecté n’en perd pas sa clairvoyance : « Il faut composer avec le risque qu’on ne peut pas ignorer : on se doit tous d’être très vigilants, suivre le protocole afin qu’on puisse tous revivre la joie de retrouver les plateaux, de pouvoir créer et inventer des mondes poétiques qui nous permettent de nourrir nos âmes de poésie et de théâtre. Nous avons tous besoin de retrouver nos scènes et nos acteurs, qui n’ont quand-même pas pu travailler depuis deux ans ! Cette situation est très difficile pour les compagnies qui se retrouvent sans scène…».
Il nous rappelle aussi que le théâtre est une nécessité qui aide à analyser nos émotions et répondre au désir d’inventer des lieux et de recomposer des vies.
Lazare est auteur, metteur en scène, improvisateur. Avec sa compagnie Vita Nova, il crée ses textes (éditions les Solitaires Intempestifs) : une trilogie composée de Passé – je ne sais où, qui revient (2009), Au pied du mur sans porte (2011) et Rabah Robert – Touche ailleurs que là où tu es né (2012). Il crée, en 2014, Petits Contes d’amour et d’obscurité. Le public du TNS a pu voir Sombre Rivière en 2017 et Je m’appelle Ismaël en 2019, ainsi que l’atelier public mené avec les élèves du Groupe 44 sur Passé – je ne sais où, qui revient, en 2018. Il est artiste associé au TNS et a notamment initié le programme Troupe Avenir.
Texte et mise en scène : Lazare (metteur en scène associé TNS)
Collaboration artistique : Anne Baudoux
Avec : Anne Baudoux, Ava Baya, Laurie Bellanca, Ella Benoit, Paul Fougère, Louis Jeffroy, Loïc Le Roux, Veronika Soboljevski
Assistanat général et conseil chorégraphique : Marion Faure
Assistanat musical : Laurie Bellanca
Musique : Vita Nova Coordonnée par Laurie Bellanca, Veronika Soboljevski
Avec la participation de musiciennes amatrices et de musiciens amateurs : Salomé Appourchaux, Romain Bicard, Tristan Dalmazir, Elia Desoutter, Julien Ensminger Clara Fruchard, Ayse Guler, Noémie Huber, Hélène Kormann, Augustin Kriegel, Sofiane Labidi, Carmen Lazaro Sanchez, Nicolas Loubaki, Xavier Marchand, Théo Marion, Maxime Maurer, Chloé Messerlin, Hélène Rigollet, Rémi Schilling, Nicolas Sueur
Créateur son, musicien : Jonathan Reig
Lumière : Kelig Le Bars
Scénographie : Olivier Brichet
Costumes : Virginie Gervaise
Régie générale : Bruno Bléger
Régie Plateau : Yoan Weintraub
Régie Lumière : Alexandre Rätz
« CŒUR INSTAMMENT DENUDE »
Du mardi 11 au samedi 22 janvier 2022
Relâche : Dimanche 16
Horaires : tous les jours à 19 h sauf samedi 22 à 15 h
Auteure : Hanane Geyer
A propos de l'auteure
Rédactrice et réalisatrice multimédias, Hanane a travaillé au Pays basque français, en Italie et au Maroc, avant de s’installer en Alsace, captivée par la beauté et la richesse de notre région.
Avec un double cursus médiation linguistique interculturelle à Sciences Po. à Milan précédée par une prépa à l’ENSBA de Montpellier, elle maîtrise 5 langues à l’écrit comme à l’oral et pratique l’illustration digitale à main levée. Hanane intervient auprès des établissements scolaires du deuxième cycle, mettant en place des projets d’éducation à la déontologie des médias et à l’utilisation responsable des réseaux sociaux.