Né en 1976 près de Strasbourg, en bordure du plan d’eau de Plobsheim, CroisiEurope est aujourd’hui le leader européen de la croisière fluviale. Entretien avec son directeur général Lucas Schmitter, à l’heure où le secteur répond de plus en plus aux attentes des clients en termes de slow tourisme.
Comment avez-vous traversé cette crise sanitaire ?
Comme tous les acteurs du tourisme, nous avons connu une période très compliquée avec très peu de visibilité sur la reprise. Il a fallu s’adapter de manière permanente et trouver les solutions pour résister. Les nombreuses aides mises en place par le gouvernement ont été très précieuses.
Quand avez-vous pu redémarrer l’activité ?
Nous avons pu redémarrer début juin au Portugal et en Croatie. Les croisières fluviales et maritimes reprennent depuis le 30 juin. Nos bateaux vont redémarrer progressivement les uns après les autres pour atteindre, on l’espère, une pleine capacité courant septembre. La tendance est bonne depuis le mois de mars avec de l’intérêt, des reports et des nouvelles réservations. On espère simplement que la situation soit définitive sans retour en arrière. On espère que l’épidémie reste sous contrôle et qu’il n’y aura pas de mauvaise surprise avec les variants.
Poursuivez-vous votre développement sur les canaux de France avec votre flotte de gabarit Freycinet ?
Oui, c’est quelque chose d’assez nouveau pour nous. Historiquement, nous sommes sur les fleuves et les mers avec des croisières côtières. Nous avons eu l’opportunité d’acquérir en 2013 un gabarit Freycinet, le Lorraine, que nous avons intégralement rénové. L’objectif était de proposer une prestation différente avec un bon rapport qualité prix et une capacité de 22 passagers. Dans la foulée, on a construit cinq autres péniches qui portent le nom de toutes les femmes de la famille, telles que Madeleine, la mère de mon père et des associés. Notre flotte navigue aujourd’hui en Bourgogne, sur le canal latéral de la Loire entre Nevers et Briare, sur le Canal de Provence entre Arles et Sète, sur la Marne entre Paris et Epernay, sur le canal de la Marne au Rhin au départ de Strasbourg, sur le canal du Rhône au Rhin, ou encore dans la vallée du Doubs, et même sur le canal Saint-Martin à Paris.
« Au cœur des régions, des terroirs, de la France authentique »
Etes-vous portés par ce nouvel élan vers le slow tourisme et ce retour à une certaine quête d’authenticité pleinement tournée vers le local ?
Absolument ! On s’inscrivait déjà là-dedans de manière traditionnelle avec nos navires à taille humaine sur les fleuves et les mers, dans le respect de l’environnement et des cultures locales. Sur les canaux, c’est vrai que c’est encore plus au cœur de la culture et de la nature, au cœur des régions, des terroirs, de la France authentique. On s’est rendu compte qu’il y avait un vrai marché, autant pour la clientèle française qu’internationale. On s’inscrit pleinement dans ces valeurs.
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Etant donné la période complexe, n’est-ce pas l’occasion pour la clientèle française de redécouvrir son pays de plus près ?
Les touristes français favoriseront certainement comme l’été dernier la France. On aura des européens de proximité tels que les Belges et les Suisses, voire les Anglo-Saxons ou les Scandinaves au rendez-vous. Au lieu de proposer uniquement des croisières de huit jours, nous proposerons également des croisières de 4 jours avec des tarifs dégressifs selon le nombre de personnes, pour favoriser les groupes d’amis ou les familles qui souhaitent privatiser l’espace. Avec des itinéraires repensés tels que Strasbourg- Xouaxange et Saverne- Xouaxange, avec ou sans excursion, et plutôt dans l’idée de leur offrir la possibilité de prendre leur vélo pour une balade personnalisée sur les chemins de halage. Du côté des fleuves, c’est positif. On observe de nouvelles réservations avec de nombreux clients qui se sont reportés sur les fleuves. A Paris, tous les bateaux ne reprendront pas en même temps. On va redémarrer l’activité sur la Seine avec deux de nos trois bateaux, en espérant le retour des Anglais et des Américains en septembre. On reste assez confiant.
« On a tout intérêt à unir nos forces pour arriver à faire connaître encore davantage ce mode de voyage »
Voies Navigables de France vient de signer un contrat d’objectif et de performance sur dix ans avec l’Etat afin de développer les synergies entre le fluvial et les territoires. Etes-vous en phase avec les propositions ?
On a justement échangé avec VNF sur ce sujet qui consiste à concentrer nos efforts sur les bassins d’exploitation privilégiés. Il s’agit d’une très bonne démarche pour faire connaître nos beaux paysages et ce slow tourisme sur les canaux. Nous ne sommes jamais assez nombreux pour le dire. Alors s’il pouvait y avoir davantage de synergie entre les offices de tourisme, les villes et les différents opérateurs du réseau, bien sûr que ça a du sens. Cela reste dans cette logique de développer ce tourisme au plus proche de la nature et de la culture. Le fluvial est un tourisme vertueux envers l’environnement. La France est le plus beau pays du monde. On a tout intérêt à unir nos forces pour arriver à faire connaître encore davantage ce mode de voyage et attirer encore plus de monde.
Quels sont selon vous les atouts majeurs du tourisme fluvial ?
Ils sont nombreux ! Nous sommes sur des bateaux à taille humaine, au cœur des villes et des paysages. La France s’est construite sur les fleuves et on voit bien que de plus en plus de villes se réapproprient ce patrimoine en se rapprochant de leurs fleuves et de leurs cours d’eau. La remise en état des zones portuaires, ces docks qui deviennent des endroits branchés, etc. Tout cela participe à l’élan général. Etre au bord de l’eau, c’est paisible, ça amène de la fraîcheur. Tout est plus beau au fil de l’eau. C’est notre slogan chez CroisiEurope et ce n’est pas pour rien. C’est vrai. C’est l’hôtel flottant. C’est ma chambre qui bouge de ville en village en site touristique, au cœur des capitales et des plus beaux sites. Ce qui laisse penser que le tourisme fluvial a encore certainement de belles années devant lui. D’autant plus que nous avons la french touch au niveau du service, du confort, avec un bon niveau de gastronomie et un bon rapport qualité prix. Voilà pourquoi le fluvial se développe autant ces dernières années.
Quels sont vos futurs grands projets ?
On en a beaucoup ! Nous allons tout d’abord nous concentrer sur l’exploitation de ce qu’on a et digérer pleinement les impacts de cette crise. Nous avons deux nouveautés conséquentes qu’on n’a jamais pu exploiter. La première, c’est la Belle des Océans, notre deuxième navire maritime qui n’a pu faire que quelques croisières l’été dernier en Corse. Mais nous n’avons jamais pu le faire sur toute une année, avec notre bassin d’exploitation hivernale dans les Canaries. Ensuite, on se développe en Afrique Australe où l’on a lancé le combiné d’une croisière à bord d’un petit bateau sur le lac Kariba au Zimbabwe avec un séjour dans un lodge en Namibie. Nous avons fait l’acquisition d’un deuxième lodge et construit un deuxième bateau dont les travaux se sont terminés juste avant la crise sanitaire. Nous n’avons jamais pu l’exploiter, donc on peut le considérer comme une nouveauté 2021. Nous ne manquons pas d’autres projets mais l’important, au présent, est de se refaire une santé après cette crise sans précédent.
Le mot de la fin avec vos souhaits pour Strasbourg ?
On espère que la ville va continuer à se dynamiser comme elle le fait depuis de nombreuses années avec de beaux projets. On espère que les touristes vont pouvoir revenir. Cela nous rend un peu triste de voir les jolis bateaux de Batorama, soit absents, soit pas complètement pleins. Mais il semble que plus les jours passent, plus ils se remplissent de nouveau, et cela fait plaisir. On espère surtout qu’on en a bien fini avec cette crise.
Recueilli par Florian Dacheux
A propos de l'auteur
Trentenaire basé en banlieue parisienne, Florian navigue dans le monde des médias depuis 2005. Des bases du métier appris en presse quotidienne régionale à Avignon, il a connu une expérience de correspondant à Barcelone, le reportage en radio depuis Marseille, ou encore l’édition numérique dans diverses rédactions parisiennes. Freelance depuis 2015 en tant que reporter et rédacteur pour la presse magazine et digitale, il réalise différents types de sujets de société. Florian anime également des ateliers d’écriture et pratique la photographie.