C'est à une production audacieuse que nous invite Cyril Pallaud, du haut de l'orgue Silbermann de l'église Saint-Guillaume : le Stabat Mater de Pergolèse, personnifié par un danseur de Pole Dance. Une interprétation inédite de cette œuvre traditionnelle du temps Pascal.
Un Christ aérien, encore retenu à la terre par cette croix-potence symbole de tant de souffrances... C'est par cette image, vivante et qui s'anime pour occuper, avec les ondes sonores, toute la nef de l'église Saint-Guillaume, que Cyril Pallaud propose aux spectateurs de rentrer dans le Stabat Mater de Jean-Baptiste Pergolèse. La dernière œuvre de ce compositeur italien, mort d'une tuberculose à l'âge de 26 ans, interroge notre rapport à la mort, en donnant corps à la douleur de Marie au pied de la croix. L'organiste titulaire de Saint-Guillaume a voulu la restituer dans toutes ses dimensions.
Musicale bien sûr, avec la voix de la jeune soprano Francesca Sorteni, ancienne pensionnaire de l'opéra-studio, et l'accompagnement de l'orgue, utilisé ici dans tous ses registres, comme l'instrument-orchestre qu'il est. Mais également visuelle, tant la musique baroque intègre la métrique de la danse et les couleurs des tableaux de ses contemporains.
Le sacré sous toutes ses formes
Les 29 et 30 mars prochain, ce ne sont donc pas les volutes de grès du choeur de l'église Saint-Guillaume qui accrocheront les regards perdus dans l'écoute de la musique de Pergolèse, ni même la transparence des vitraux, mais la stature et les mouvements de Vincent Grobelny, champion d'Europe et champion de France de Pole Dance.
La rencontre n'est pas si incongrue que cela. Cyril et Vincent se sont en effet rencontré il y a longtemps, sur les bancs de la faculté d'histoire de Mulhouse. Ils avaient depuis poursuivi des chemins différents – dans la musique pour l'un, l'enseignement et la gymnastique pour l'autre. Mais ils se sont à nouveau croisés l'an passé et se sont découvert une passion commune pour la prestation artistique. De cette rencontre est né le souhait de travailler ensemble.
De l'audace pour questionner
Une prestation de Pole Dance dans une église, en plein carême ? Si elle n'est pas sacrilège, la démarche de Cyril Pallaud interpelle et déstabilise – et c'est bien son but. « L'art peut être partout et il doit amener les gens à se poser des questions », estime ainsi l'intrépide organiste, pour qui « le Stabat Mater est un vrai opéra sacré, une histoire qui a le droit d'être mise en scène ». C'est à une Passion très lyrique qu'il nous convie ainsi, au sein d'une église drapée comme un opéra. L'œuvre de Pergolèse sera précédée de la Passacaille en ut mineur de Bach, pour laquelle Vincent Grobelny au cerceau, à 7 m du sol, reprend la thématique du ballet « Le jeune homme et la mort » de Roland Petit. Puis le tissu rouge remplace le cercle et démarre l'« Air du génie du froid » de Henry Purcell, transformé pour la circonstance en marche vers le mont Golgotha. Le Stabat Mater est quant à lui orchestré comme un véritable tableau nous plongeant 2000 ans en arrière, en Galilée.
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« Cela fait longtemps que je poursuis l'idée de marier les arts, notamment la musique et la peinture, mais aussi la danse », indique Cyril Pallaud. Le musicologue est également directeur artistique de l'association Passions croisées, en résidence à l'église Saint-Guillaume, et qui produit ce concert audacieux. Son ambition : valoriser le patrimoine organiste alsacien à travers la musique baroque - quitte, pour cela, à en bouleverser la lecture. Allier musique sacrée et Pole Dance permet ainsi de se positionner à la croisée de deux publics qui n'ont pas l'habitude de dialoguer. Une prise de risque qui ne fait pas peur à l'organiste.
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Proposer un Stabat Mater ainsi mis en scène impose également aux interprètes de chanter sans partition. « C'est plus difficile, mais à la fois cela permet d'encore mieux exprimer cette prière mise en musique par Pergolèse », reconnaît Francesca Sorteni. C'est aussi la première fois que cette œuvre est interprétée non pas par un orchestre, mais par un orgue seul. « Cela donne plus de liberté dans la gestion des silences et du temps. On peut aussi donner beaucoup plus de contrastes qu'avec un orchestre », explique Cyril Paillaud.
Pergolèse et Pole Dance
Les 29 et 30 mars 2023 à 20h00
Église Saint-Guillaume, 1 rue Munch, 67000 STRASBOURG
- Cyril Pallaud (direction et orgue)
- Francesca Sorteni (soprano)
- Myriam Djemour (contre-alto)
- Vincent Grobelny (Pole Dance et cerceau)
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Auteure : Nathalie Stey
A propos de l'auteure
Journaliste indépendante amoureuse de l'Alsace, Nathalie Stey a animé pendant 20 ans une revue professionnelle consacrée au transport fluvial et basée à Strasbourg. Elle a depuis élargi son spectre et assure aujourd'hui la correspondance en région pour le journal Le Monde et Le Mensuel éco Grand Est, tout en restant fidèle au secteur de la voie d'eau qu'elle s'attache à faire découvrir.
Vincent Grobelny, de la gymnastique à la Pole Dance
Vincent Grobelny est né à Mulhouse. Il a longtemps pratiqué la gymnastique de haut niveau, jusqu'à ce que son intérêt pour les arts du spectacle l'amène à se rapprocher des arts du cirque. Une amie lui parle de sa discipline : la Pole Dance. Vincent accroche tout de suite. Problème : cette pratique est alors exclusivement réservée aux femmes. Le gymnaste vit en Savoie mais ne trouve aucun club qui l'accepte. Ce n'est qu'une fois de retour dans sa région natale que Vincent trouve les conditions lui permettant de pratiquer régulièrement. Il s'inscrit à la fédération française de Pole Dance en 2015 et devient, en 2018, champion de France. Avant même cela, il décroche les championnats d'Europe, en 2017.
Accompagné d'une amie harpiste, Sophie Mosser, il créé en 2019 sa propre compagnie – Les Aéronotes -, en parallèle de son métier de professeur des écoles. Son premier spectacle sera pour les malentendants, avec d'abord un numéro de 5 minutes, format « cabaret » puis une scène ouverte de 45 minutes. Aujourd'hui, Vincent Grobelny a troqué son statut d'instituteur pour celui d'intermittent du spectacle. Avec toujours, la volonté d'être dans la transmission ; que ce soit à travers les numéros proposés aux quatre coins de la France, mais aussi les cours qu'il dispense à Mulhouse et ailleurs.
«J'aime raconter des histoires », avoue celui qui ne voit pas son activité comme une performance sportive, mais plutôt comme une interprétation. « Fondamentalement, la Pole Dance est un art. Le mot le plus important dans cette expression, c'est celui de danse », note Vincent Grobelny. Son maître-mot : toujours explorer ! Les possibles, voir au-delà.