Les 22e Journées de l’architecture tournent le dos aux architectes-star pour se concentrer sur l’économie de tout, en une démarche politique. Tout savoir jusqu’à fin octobre.
On pourrait dire que ce n’est pas fini : « Les années 2021 et 2022 ont été marquées par une crise des ressources », indique Claude Denu, président de la Maison européenne de l’architecture du Rhin supérieur, qui organise les Journées de l’architecture. La 22e édition se déroule jusqu’au 31 octobre en Alsace, dans le Bade-Wurtemberg et dans le canton de Bâle.
« La mondialisation montre ses imites et pose la question de l’approvisionnement et de la maîtrise des ressources », poursuit-il. Le thème de cette édition s’imposait alors : Architecture et ressources, avec cette nécessité, s’accordent à dire les architectes, qu’il faut valoriser au mieux ce dont on dispose – sols, énergie, matériaux- pour « trouver une issue vivable » qui tienne compte de l’ensemble du vivant. Au cours de cette manifestation protéiforme, les architectes étudient de nombreuses pistes : réhabiliter, construire local, recycler, valoriser une économie circulaire, utiliser des matériaux biosourcés, imaginer un habitat intercalaire et transitoire…
Frugalité globale
L’exposition Frugalité créative-Weniger ist genug présente des photos de bâtiments remarquablement frugaux. Elle est une invitation à une démarche très politique initiée dans par l’architecte française installée à Karlsruhe Dominique Gauzin-Müller, commissaire de l’exposition. (Cette exposition de photos et panneaux bilingues est présentée au centre culturel français de Fribourg jusqu’au 25 novembre).
Consommer moins de ressources en général est l’objectif, dicté par l’urgence de faire face au changement climatique. La frugalité n’est pas seulement nécessaire en architecture, mais aussi dans l’usage des sols et de la nature pour mieux respecter l’écosystème du vivant, selon cette architecte et nombre de ses confrères. « Le problème des ressources est le problème de tout le monde, à toutes les échelles », ajoute Marc Fornes, architecte d’origine strasbourgeoise, aujourd’hui installé à New York.
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Quatre principes
Selon Dominique Gauzin-Müller, l’architecture frugale repose sur quatre principes : moindre consommation en sol, en énergie et en matériaux, de meilleures relations entre les acteurs d’un bâtiment. Et pour commencer, mieux vaut transformer des bâtiments existants qu’en construire des neufs : cela permet notamment d’économiser des surfaces au sol. Cela revient également à tourner le dos aux architectes-star car « il est plus valorisant de construire un nouveau bâtiment que d’en rénover un déjà existant », relève l’architecte.
Réduire sa facture énergétique doit passer par des mesures déjà connues, mais à développer davantage, telles la réduction de ses propres besoins, le respect de principes bioclimatiques dans la construction (grandes fenêtres au sud avec ombrage et végétation, isolation en paille et chaux-chanvre), le recours aux énergies renouvelables, l’utilisation de pierre et de terre crue pour une meilleure inertie thermique.
40 % des gaz à effet de serre
La frugalité des matériaux signifie le retour à des matières et des techniques ancestrales, locales et disponibles, donc respectueuses de l’environnement, tels le bois, la paille, la terre, le chanvre et la chaux. On peut oublier les bâtiments tout en béton et en ferraille pour lesquels il existe dorénavant des pénuries. Et pour faire au mieux, l’architecte Dominique Gauzin-Müller conseille de multiplier les relations entre entreprises, architectes et fournisseurs, « pour faire avec ce dont on dispose ». « L’architecte doit avoir la modestie et l’intelligence d’écouter ce que les autres ont à dire pour optimiser le bâtiment », estime-t-elle.
Cette vision architecturale globale est d’autant plus nécessaire que le secteur de la construction représente 40 % des émissions de gaz à effet de serre, selon les organisateurs des Journées de l’architecture.
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Un manifeste
Cette vision est développée au sein du Manifeste pour une frugalité heureuse et créative (Architecture et ménagement des territoires urbains et ruraux), élaboré par plusieurs architectes et urbanistes, dont Dominique Gauzin-Müller Depuis 2018, ce texte a rassemblé plus de 15 000 signataires issus de 90 pays.
A cette démarche s’ajoute celle de l’association Négawatt, composée d’experts indépendants, qui conseille actuellement le gouvernement français sur un scénario d’autonomie énergétique de la France en 2050. Il y est confirmé que « la limitation des impacts environnementaux et sociaux et la réduction de la pression sur les matières premières passent par une profonde transformation de nos modes de consommation/production d’énergie et de biens matériels. »
Parcours vélo, visites de lieux remarquables
De façon à illustrer, partager et détailler ces idées, les Journées de l’architecture ont imaginé 150 manifestations de tous types : parcours vélo architecturaux, expositions, colloques, tables rondes, visites de chantiers ou de lieux remarquables et méconnus, projections de films, ateliers, conférences…
Quelques exemples en octobre : une visite guidée « Carré magique, cathédrale et voirie » à Strasbourg, une conférence sur la densité heureuse à Strasbourg, des tables rondes sur Architecture et ressources à Villé, divers parcours à vélo à Strasbourg (Elsau-Meinau-Neudorf ; écoquartier Danube) et dans d’autres villes, la visite d’un chantier dit « ressourçant » à l’ancienne chambre des comptes de Strasbourg, des expositions sur l’habitat participatif (à Strasbourg) et sur les projets de la Fonderie (Mulhouse), une visite sur le projet urbain transfrontalier Huningue-Weil am Rhein…
C’est la fin de l’architecte-star, prédit l’architecte Dominique Gauzin-Müller. Cette édition prouve que la profession cherche en effet à retrouver une cohérence en phase avec les territoires et le bon sens.
Auteure : Lucie Michel
22e Journées de l’architecture jusqu’au 31 octobre. Les manifestations sont souvent gratuites. Programme détaillé sur www.m-ea.eu