Situé à Paris entre le pont d’Iéna et le pont de l’Alma, le port de la Bourdonnais a la particularité d’abriter les deux mondes du secteur fluvial. D’un côté, le déchargement des marchandises pour Franprix. De l’autre, des bateaux destinés au transport de touristes. Immersion.
Niché au pied de la Tour Eiffel, le long du quai Branly, le port de la Bourdonnais évolue dans un véritable décor de carte postale. Anciennement appelé port aux Cygnes, il a pris son nom actuel en 1905 en raison de la proximité de l’avenue éponyme. Après avoir été aménagé pour recevoir dès les années 1960 une partie de la voie express rive-gauche, ce port atypique, d’une longueur de 800 mètres, a été divisé en deux au début des années 2010. Réservé en amont de la passerelle Debilly au déchargement des marchandises pour Franprix, il abrite dans sa seconde tranche des péniches-restaurants et des bateaux promenades destinés au transport de touristes.
« Cela enlève de nombreux camions sur les routes »
Voici depuis 2012 que l’enseigne Franprix a décidé d’approvisionner ses magasins parisiens en produits secs (70 % des marchandises) en utilisant le fret fluvial sur 21 kilomètres, entre Bonneuil-sur-Marne et le port de la Bourdonnais. L’entreprise française économise ainsi 80 000 litres de carburant par an. Une initiative remarquable quand on connaît les enjeux actuels en termes de transition écologique.
« Nous livrons 140 à 150 magasins par jour avec nos douze livreurs, témoigne Kamel, chef d’équipe chez XPO Logistics (Ex-Norbert Dentressangle, qui opère la logistique pour Franprix). On commence à 6h du matin et on finit sur les coups de 11h30-12h. Les conteneurs arrivent chargés au cœur de Paris et nous sommes là pour assurer le dernier kilomètre par camion. A peine on sort du port, on livre. Cela enlève de nombreux camions sur les routes et réduit la pollution. On fait face à de plus en plus demandes d’autres clients mais c’est compliqué de libérer d’autres quais pour le moment. »
« Un projet en avance sur son temps »
Initié par la coopérative SCAT, acteur majeur pour le transport de conteneurs sur la Seine, ce dispositif prouve, à l’instar de l’activité bien connue du port de Gennevilliers, que le porte à porte est largement faisable via le réseau fluvial. Représente-t-il le futur de la logistique urbaine ? « Oui, il s’agit d’un projet en avance sur son temps, répond Benoît Zaragoza, responsable logistique chez la SCAT. Notre rôle est de coordonner le chargement et le déchargement. Cet été, nous allons nous agrandir un peu en démontant le bloc gravitaire. La péniche passera de 42 à 48 conteneurs. »
Au tour de Sébastien, le marinier référent du dispositif depuis cinq ans, d’ajouter : « Ce que l’on fait réduit énormément la circulation routière. On sent que l’Etat participe davantage avec cette volonté de remettre en état les canaux. Nous sommes souvent embêtés par des pannes d’écluses ou des manques d’eau. Le fait d’investir dans les infrastructures va aider les artisans à gagner en sécurité et fiabilité. »
Le grand retour des touristes
Dès midi, coureurs et flâneurs prennent le relais une fois que les Terminaux de Seine rouvrent le quai réservé aux activités de Franprix. Le temps également pour les bateaux promenades voisins de s’envoler sur la Seine après l’enregistrement des touristes qui ont pris leur ticket pour une visite commentée des plus beaux sites de la capitale.
« Parfois, certains guides expliquent notre activité aux touristes, sur le fait que ça réduit la pollution et que ça participe aux enjeux environnementaux », sourit Kamel. « On cohabite très bien avec nos cousins du fret, rebondit Michel Toetsch, directeur technique chez Bateaux Parisiens. On échange souvent avec eux sur les évolutions du secteur et sommes très régulièrement aux réunions organisées par E2F - Entreprises Fluviales de France notamment. Sur la Bourdonnais, c’est une expérimentation qui a fait ses preuves en termes de bilan carbone. Et nous sommes très heureux de nos activités communes. »
Après une crise sanitaire sans précédent, Bateaux Parisiens, qui cultive un savoir-faire depuis 1956, compte bien sur le retour tant attendu des touristes pour redresser la barre. Depuis le 30 juin, la compagnie peut désormais ouvrir tous les jours, avec des départs toutes les heures de 12h à 22h. Un vrai soulagement.
« Depuis notre réouverture partielle le 28 mai, nous avons pu recevoir des groupes scolaires et désormais on espère le retour des touristes européens, avec un retour de la clientèle internationale espéré dans le courant de l’été. Mais on compte également sur les Français voire les Franciliens désireux de découvrir ou redécouvrir Paris sous un autre angle. Nos péniches-restaurants sont également ouvertes pour les plus gourmands. »
A bord, des audio-guides individuels proposent aux visiteurs des commentaires riches sur l’histoire de Paris dans 14 langues différentes. Sans oublier des commentaires très ludiques spécialement dédiés aux enfants de 8 à 14 ans. Une occasion unique de plonger en tête-à-tête, en famille ou entre amis dans l’âme de Paris.
Auteur : Florian Dacheux