Avant que n’ouvrent les portes de l’exposition de la papesse portugaise de l'art contemporain, Joana Vasconcelos, nous vous proposons un petit tour dans les expositions actuelles du vaste et magnifique Musée d'Art Moderne et Contemporain de Strasbourg qui fête cette année son 20e anniversaire. Nous vous avons déjà parlé du collectif FAILE qui a street-arté les façades extérieures du bâtiment d’Adrien Fainsilber.
A l’intérieur, il y bien entendu la très belle exposition « Joyeuses Frictions » qui permet la confrontation intéressante d’œuvres d’art. L’occasion surtout de voir et de montrer des grands classiques comme Monet, Pissaro, Signac, Kandinsky, Goncharova, Picasso…. et les futurs classiques, mais sans doute moins connus par le public comme Bertrand Lavier et sa Giulietta (1993), Stéphane Penchréac’h (avec son Allégorie – 2005) ou le Mobile de Xavier Veilhan (2005) qui trône au milieu de la salle dédiée à Gustave Doré comme si les œuvres de ce dernier constituaient les planètes lointaines de la sombre galaxie proposée par le plasticien français.
Sombre, c’est bien le mot. Car à n’en pas douter, de joyeux il n’y a que le titre de l’exposition et l’anniversaire du MAMCS (qui fête cette année ses 20 ans) ; ce qui a le mérite de nous rappeler que l’art moderne et contemporain n’est pas seulement de la production à la Jeff Koons, de l’art bling-bling comme on l’imagine trop souvent et comme on le décrie plus encore, mais surtout une proposition de regard sur l’art et le monde, proposition qui traduit souvent une souffrance.
Quoiqu’il en soit, passer de longues minutes dans la reconstitution du Salon de Musique de Vassily Kandinsky (Bauaustellung de Berlin 1931) en écoutant la diffusion des œuvres d’Arnold Schoenberg ou s’arrêter devant « Femme et voilier » de la peintre strasbourgeoise Marcelle Cahn sont deux frictions qu’il est absolument nécessaire d’avoir avant de quitter le MAMCS ou mieux encore avant d’entrer dans la petite exposition « EXPERIMAMCS ! »
Car cette dernière, mine de rien, est bigrement intéressante. En effet, derrière les tentures bleues et rouges qui masquent son entrée comme celle d’un théâtre ou d’un cirque, le MAMCS a voulu proposer, à travers ExperiMAMCS une explication de ce qu’est le spectacle du musée dans un parcours en 5 salles :
- Accrochage en liberté
- Un cartel pour quoi faire ?
- Quel lux ?
- Jeux d’ombre
- Les murs ont des oreilles
La première salle pose la question de quoi et comment accrocher les œuvres. Ce sont de vraies questions dont dépend grandement la qualité d’une exposition. Le visiteur peut devenir acteur, se saisir des reproductions d’œuvres sous forme de magnets et peut proposer son accrochage. A noter le « Jaune soleil par Astral et Corona, 1985 » de Bertrand Lavier qui orne le mur de gauche en entrant et sur le mur de droite l’œuvre abstraite du suisse John M Armleder.
La deuxième salle présente le cartel, ce petit carton d’information placé tout prêt de l’œuvre et sans lequel la plupart d’entre nous serait bien en mal d’identifier ce qu’il voit. Qui n’a jamais confondu un Picasso avec un Braque ou un Juan Gris ? Tiens, « Impression du soleil levant » a pour toile de fond Le Havre et pas Londres ! Il n’y a pas de miracle. Le cartel c’est la clef vers la connaissance.
Dans cette salle, on vous propose de donner un nom à une œuvre de Miro intitulée « Peinture ». Les propositions sont accrochées au mur comme des post-it et la masse de propositions est saisissante, preuve que de très nombreux visiteurs se sont prêtés au jeu. Nos préférés :
- Karénine ou l’insoutenable légèreté du bleu
- Gouache buissonnière (faut pas être Miro)
Les deux salles suivantes ont trait à la mise en lumière des œuvres.
La première vous propose, muni d’une lampe de poche qu’on vous prête gracieusement (merci de la remettre à sa place à la fin de l’expérience), de vous rendre dans une salle d’exposition plongée dans le noir et de découvrir les œuvres en les éclairant avec la lampe de poche. Cette approche parcellaire d’un accrochage, le jeu des ombres et des lumières avec les autres visiteurs, tout vous conduit sur un chemin que vous n’avez jamais exploré et vous fait comprendre l’importance de la scénographie lumineuse d’un musée.
La seconde salle, salle des ombres, vous explique la puissance lumineuse avec laquelle il est possible d’éclairer une œuvre en fonction de sa fragilité (norme d’éclairement). Deux sculptures sont exposées. L’une sur un plateau tournant dont deux spots projettent l’ombre sur les murs adjacents. Serez-vous plus attiré par la sculpture du joueur de flute ou par ses deux ombres dynamiques ? Pour la seconde il vous est proposé de faire varier l’intensité lumineuse. Quel sera votre éclairage préféré ? Pleine lumière, pénombre, entre les deux ?
La dernière salle « Les murs ont des oreilles » vous propose d’entendre la description par différentes personnes de trois œuvres en 9 minutes chacune. Bien entendu vous ne voyez pas les œuvres en question. Serez-vous capable de les dessiner et vos dessins supporteront ils la confrontation avec l’œuvre originale ? Ce dispositif expérienciel vous fait comprendre rapidement la subjectivité du regard que nous portons sur une œuvre d’art (et sur le reste tout autant) et combien cette subjectivité est conditionnée par notre vécu, par nos connaissances.
L’exposition temporaire EXPERIMAMCS ! est une vraie petite trouvaille qui vous fait prendre conscience de la réalité des mécanismes en œuvre dans la visite d’un musée. Vous en sortirez changé.
Rappelons que sur présentation de votre ticket Batorama, une remise de 20% sur l’entrée plein tarif vous est gracieusement accordée par le MAMCS comme par tous les musées de la Ville de Strasbourg.
Notons également que pour les personnes à mobilité réduite (PMR), le Musée d’Art Moderne et Contemporain de Strasbourg met gentiment à disposition un fauteuil roulant en échange du dépôt de votre carte d’identité.