VNF (voies navigables de France) affiche ses ambitions

Secteur à fort potentiel de développement, le fluvial attise de plus en plus la curiosité de nombreux acteurs économiques décidés à s’engager dans la transition écologique. Gestionnaire de quelque 6700 km de fleuves, canaux et rivières canalisées, Voies Navigables de France œuvre en coulisses pour renforcer l’attractivité d’un secteur qui structure véritablement nos territoires. Entretien avec Lionel Rouillon, le directeur du développement chez VNF.

Vous avez pris vos fonctions en octobre 2020. Pourquoi avoir accepté cette mission ? 

Pour trois raisons. La première, c’est que VNF chapeaute un secteur transport et un secteur tourisme à travers les voies d’eau qui ont un caractère extrêmement attractif. C’est un secteur en pleine mutation, avec des enjeux liés à la transition écologique et au verdissement du transport, et un impact économique qu’on chiffre aujourd’hui à 1,4 milliard d’euros sur l’ensemble du pays. Deuxièmement, VNF est un établissement public administratif qui a compris qu’il y a un vrai enjeu de développement sectoriel. On ne peut pas se contenter d’être un gestionnaire d’infrastructures qui finalement ne gère qu’un tube, en l’occurrence une voie d’eau, d’un point de vue technique. Il y a un vrai enjeu de promotion de développement du secteur. De ce fait, ils ont créé ce poste de directeur du développement, ce qui est une originalité pour un EPA. Enfin, tout cela est lié au management d’une équipe qui s’est mise dans cette optique. J’arrive après un parcours mixte dans un environnement selon moi sans égal.

« On s’aperçoit qu’on a un vrai levier d’activité au service des territoires »

Quels sont vos objectifs ? 

Notre mission principale est de faire en sorte qu’il y ait plus d’activité sur et autour de la voie d’eau. Pour rendre plus compétitif le secteur du transport logistique sur la voie d’eau, il y a tout un écosystème. Nous intervenons sur la qualité des canaux de navigation, sur les services rendus aux usagers et aux transports, sur l’efficacité des ports publics. Tout cela de manière à ce que l’ensemble de la chaîne logistique, du port maritime jusqu’au chargeur en passant par le distributeur, soit compétitive. Le but est de permettre un report modal du camion vers le fleuve. Il faut avoir en tête que le fleuve peut être moins cher sur un certain nombre de marchés. A la tonne, on émet également beaucoup de moins de CO2 qu’un camion. Sur le volet tourisme, pendant longtemps, VNF n’avait pas conscience de l’impact du tourisme fluvial. L’an dernier, nous avons réalisé des études sur la filière qui nous ont permis de mesurer les retombées économiques. On s’aperçoit qu’on a un vrai levier d’activité au service des territoires. Le but étant d’identifier des zones à potentiel sur nos réseaux pour pouvoir ensuite les mettre en visibilité aux opérateurs économiques et que des aménagements puissent être faits. Outre les grandes villes, les fleuves traversent des territoires ruraux magnifiques qui peuvent avoir des retombées économiques assez conséquentes. On a donc un rôle à jouer.

VNF s'apprête à investir fortement dans la régénération et la modernisation de son réseau. © Francis Cormon
VNF s'apprête à investir fortement dans la régénération et la modernisation de son réseau. © Francis Cormon

 

L’Etat vient d’annoncer un plan de 3 milliards d’euros d’investissement d’ici 2030. Comment cela va se traduire dans les faits ? 

Oui, nous avons signé un Contrat d’objectif et de performance (COP) inédit avec l’Etat. C’est une trajectoire financière qui va permettre de stabiliser les ressources de la maison pour les dix prochaines années. Cela équivaut à 300 millions d’euros par an. Il s’agit d’une augmentation très conséquente des budgets car en 2018-2019, le budget de VNF tournait plutôt autour de 140 à 170 millions. Cela va nous permettre d’investir fortement. Tout d’abord sur la régénération et la modernisation de notre réseau qui s’est dégradé. Nous comptons installer la fibre optique sur le réseau, développer des postes de pilotage numérique au niveau des écluses pour une meilleure maintenance et des conditions de travail plus sûres pour les personnels. En faisant le tour des opérateurs économiques, on regarde les critères qui peuvent les inciter à investir, pour développer une péniche hôtel ou un bateau-promenade à tel endroit, une base de location à tel autre, etc. On regarde dans le même temps quels pourraient être les freins comme une berge inadaptée, un chemin à créer pour se rendre vers un lieu de visite ou un site patrimonial. Un autre axe est lié au changement climatique, car on connaît désormais des températures un peu plus chaudes et un peu moins de précipitation. On commence à voir poindre sur certains tronçons pendant l’été des étiages trop bas, à avoir des problèmes de disponibilité de l’eau. A travers nos écluses et nos barrages, on gère une partie de ces réserves d’eau. Et plus les épisodes de sécheresse deviendront importants, plus notre capacité à lisser l’impact des intempéries sur le niveau d’eau deviendra cruciale. Il y a donc une vraie réflexion en cours pour améliorer la résilience du pays face au manque d’eau.

 

« Une vision finalisée des territoires à fort potentiel d’ici début novembre »

 

On ressent une vraie volonté d’accompagner la croissance du tourisme vert, notamment à travers le réseau des petits canaux de plus en plus plébiscité par le public… 

Oui, il s’agit d’un véritable travail de concrétisation de transformation d’idées en itinéraires, et d’itinéraires en projets, avant d’en faire la promotion. On va finaliser ce plan d’actions entre juin et fin octobre, et ce bassin par bassin. Les premiers séminaires arrivent. A ce stade, je n’ai pas encore les conclusions. Ce qui nous importe, c’est de regarder quels sont les besoins là où il y a de l’activité. Mais ce n’est pas parce qu’il n’y a pas d’activité, qu’il n’y a pas de potentiel. Il peut y avoir deux à trois éléments manquants dans l’expérience usager. Notre approche consiste à cibler les critères de développement de mise en tourisme des différents opérateurs économiques. On devrait disposer d’une vision finalisée des territoires à fort potentiel d’ici début novembre. Ensuite s’ouvrira une bonne année de discussion avec les partenaires financiers. 

La croissance du tourisme vert est notamment liée au réseau des petits canaux de plus en plus plébiscité par le public. © Atouts France- Hello Laroux
La croissance du tourisme vert est notamment liée au réseau des petits canaux de plus en plus plébiscité par le public. © Atouts France- Hello Laroux

 

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Revenons sur le transport de marchandises. Dans cette branche, l’arrivée du Canal Seine Nord Europe est notamment très attendue. Quelle est votre analyse sur ce projet d’envergure ?

On attend son ouverture pour 2029-2030. Les études socio-économiques ont été faites. Elles ont démontré la pertinence du canal, avec un impact économique sur le Nord mais aussi sur le bassin de Seine. Quand vous êtes sur un bassin entre Le Havre et Paris, vous pouvez avoir des cycles économiques avec des hauts et des bas pour certains artisans. Si vous n’êtes pas reliés à d’autres pays, vous pouvez vous retrouver avec des bateaux qui tournent au ralenti. Dans le cas des Belges, des Allemands, des Hollandais, étant donné qu’ils sont connectés, ils peuvent changer de pays et s’adresser à d’autres marchés. Cela permet de lisser très fortement les à-coups économiques. C’est tout l’enjeu de ce canal pour les transporteurs français. La logique est double : on désenclave le bassin de Seine en le reliant au cœur de l’Europe navigante. Ce qui n’est pas rien. Le gros du flux de marchandises qui arrive aujourd’hui par les ports du Nord tels qu’Anvers, Rotterdam, Hambourg, pourra venir le cas échant par Paris et le Nord de la France. Le Havre va devenir le port principal pour continuer à desservir l’axe Seine alors que dans le même temps les grands ports du Nord commencent à être saturés. C’est une porte d’entrée gigantesque si on fait les efforts de dimensionnement et de compétitivité nécessaires. Cela va changer complètement la dimension de l’axe Seine. Aujourd’hui, l’ensemble des transports fluviaux en France représente 7,5 milliards de tonnes au kilomètre. Avec l’effet de cette mise en réseau via le canal du Nord, on envisage entre 3,2, et 3,6 milliards de tonnes par kilomètre supplémentaires. L’impact est donc énorme. Cela va permettre de désengorger les axes routiers et de gagner en efficacité économique et écologique de manière massive.

Recueilli par Florian Dacheux

 

A propos de l'auteur

Trentenaire basé en banlieue parisienne, Florian navigue dans le monde des médias depuis 2005. Des bases du métier appris en presse quotidienne régionale à Avignon, il a connu une expérience de correspondant à Barcelone, le reportage en radio depuis Marseille, ou encore l’édition numérique dans diverses rédactions parisiennes. Freelance depuis 2015 en tant que reporter et rédacteur pour la presse magazine et digitale, il réalise différents types de sujets de société. Florian anime également des ateliers d’écriture et pratique la photographie.

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