A la rencontre de : Mireille Oster

A la rencontre de Mireille Oster et de ses pains d'épices !

Après avoir fait la rencontre de Marie Schueller de l'otsr pour une rétrospective du festival Strasbourg mon Amour, c'est chez "Les Pains d'Epices de Mireille Oster" que nous nous sommes rendus pour faire plus ample connaissance avec sa gérante.

 

Hmmm, vous la sentez, cette bonne odeur de pain d’épices qui vient titiller vos narines lorsque vous entrez dans le quartier de la Petite France ? Cette douce odeur qui vous rappelle la période de Noël, c’est celle qui provient des deux boutiques de Mireille Oster, une femme dynamique, passionnée par les voyages et par son travail, et qui se nourrit de la relation à l'autre. C’est à sa rencontre que nous sommes allés pour en savoir un peu plus sur la femme, sur son métier et aussi sur sa vie.

Mireille Oster, qui êtes-vous ? 

Je suis la diva du pain d’épices ! *rire* 
Je suis Mireille Oster, je propose des pains d’épices que je fabrique et je me rends pour les vendre dans le monde entier en dehors de la haute saison que je passe ici, chez moi à Strasbourg. Je vais en Chine, au Japon, en Corée, au Vietnam, au Liban, en Israël etc., pour proposer mes pains d’épices. 
Le reste du temps je suis ici, à Strasbourg. Je crée de nouvelles recettes, tout le temps. J’ai une collection de base, puis je créé des recettes en fonction des opportunités : en ce moment nous proposons par exemple le Croque-bisous que nous avons inventé pour la Saint-Valentin : il s'agit d'une mini-barre aux noisettes entières grillées, avec du citron, du gingembre, de la cannelle et bien d'autres épices, avec posée dessus un bonbon rouge en forme de bouche. Il y a toujours des notes nouvelles qui viennent s’attacher à la musique du moment. D’ailleurs le lieu où l’on fabrique les pains d’épices s’appelle un piano.

Comment vous est venue cette passion pour le pain d’épices ?

Mes grands-parents étaient déjà dans le pain d’épices. En 1933 ils se sont installés à Strasbourg et vendaient leur pain d’épices sur le marché de Noël de Strasbourg, puis c’est ma mère qui a pris l’affaire en 1980. A cette époque, le nom de la boutique était Pains d’épices. Et moi je l’ai reprise en 1998. J’ai rencontré mon mari cette même année, et je suis donc restée à Strasbourg, car au départ j’avais l’intention de partir en Chine. 
Je me souviens, lorsque mes grands-parents faisaient le marché de Noël à Strasbourg, il y faisait -25 degrés, et ils n’en sont pas morts ! Ils y travaillaient beaucoup et ils ont été bien conservés car ils sont décédés à 98 et 92 ans. C’étaient des épicuriens, j’ai été élevées dans une famille épicurienne. C’est de mes grands-parents que j’ai appris la qualité du produit qui est l’essence même de la fabrication. Ici tous nos produits sont de qualité, et évidemment, cela a un prix. Il vaut mieux consommer peu et consommer juste. 
 

Etes-vous plus en cuisine ou en boutique ? 

Je suis partout. Je suis d’abord en cuisine à la création, ensuite au marketing (car c’est moi qui voyage dans tous les pays), au commerce et au relationnel. J’aime beaucoup le relationnel. Je touche à tout et après je délègue. Nous étions 50 personnes en 2014, et suite au Vigipirate qui a été mis en place après les attentats de 2015 nous sommes passés à 35.

 

Avez-vous toujours travaillé à cette adresse ? Si oui, quelle est l’histoire de cette boutique ? Pourquoi ne pas avoir ouvert des succursales un peu partout en France ou une franchise ?

Mon établissement majeur est celui du 14 rue des dentelles, au cœur du quartier de la Petite France, c’est là-bas que ma mère vendait déjà les pains d’épices. Et cette boutique-ci dans laquelle nous nous trouvons, au 17 rue des moulins, je l’ai ouverte en octobre 2019. 
J’aime beaucoup ce quartier, c’est un village dans la ville. Pour moi ça représente quelque chose de chaleureux et d’industrieux aussi. Il y a plein de choses qui ont eu lieu ici : il y a eu des tanneries, la chocolaterie Schaal, mais aussi les glacières de Strasbourg, c’était vraiment un quartier de mouvement. Et j’aime bien ces maisons renaissance, mais surtout j’adore l’eau ! 
Lorsque je sors de ce côté j’entends un bruit de cascade de forêt produit par les motrices du moulin. Il faut savoir qu’ici vous êtes dans un moulin d’épices dites coloniales car du café et des poivres passaient par là, et on appelait ce moulin la Würtzmühle. Toutes ces épices passaient par là car Strasbourg est un port très important, le 2ème port fluvial de France. Toutes les marchandises de Venise et de partout ailleurs transitaient par là. Il y avait et il y a toujours une grande activité à Strasbourg grâce à l’eau, et cet élément est l’un de mes éléments favoris. Le fait d’avoir trouvé un moulin les pieds dans l’eau comme celui-ci est une chose merveilleuse. 

Ouvrir des succursales ailleurs est une chose délicate. J’en ai parlé à une musicologue japonaise qui m’a dit : « Si vous n’êtes pas dedans, ce n’est pas pareil. ». Très souvent on me dit que lorsque je ne suis pas dans la boutique, c’est bien, mais l’expérience n’est pas la même. J’ai une autre relation avec ma clientèle, et celle que j’ai actuellement, je m’y complais. 
L’argent n’a jamais été ma motivation ni le moteur de ma vie. J’ai toujours fait des choses qui me plaisaient, et je n’ai jamais fait des choses à contre cœur, ni travaillé dans des endroits qui ne me convenaient pas. Je n’ai jamais visé l’intérêt. Les choses me sont toujours arrivées toutes seules, sans que je ne m’en préoccupe. L’essence de la vie c’est le travail, et quand on fait un travail que l’on aime on est heureux. Mon travail c’est ma joie, c’est ma vie, et ça a été celle de mes anciens. J’ai toujours eu cet exemple-là. Nous avons toujours matché la vie de maison et la vie de travail, nous avons toujours fait un amalgame qui faisait que l’on n’était ni jamais à la maison ni jamais au travail. C’était la vie. 

 

D'où vous vient ce goût du voyage ? 

Mireille Oster a voyagé dans le monde entier. Dès son plus jeune âge, elle a eu le goût d'ailleurs. Elle nous en dit plus dans cette vidéo. 

 

Avez-vous une anecdote de voyage à NOUS partager ? 

J'en ai beaucoup ! 
Tout d'abord il faut savoir que le pain d’épices est originaire de la ville d’Ürümqi au nord de la Chine. Deux ans après la réouverture de la boutique que j’ai reprise je suis allée à Shanghai. C’était très intéressant pour moi de leur faire découvrir un produit que j’avais fabriqué avec une idée de départ qui était la leur mais qu’ils ont oublié avec tous les événements qui ont marqué ce pays. Il faut savoir que lorsque j’ai présenté mon pain d’épices aux chinois ils ne connaissaient pas ce produit. 
J’ai été très touchée par le Liban. J’y suis toujours allé en période de Carême. Ce n’était donc pas très facile pour moi de leur faire goûter mes pains d’épices ! *rire*
Les Libanais sont des personnes qui ont une très grande culture. Ils parlent un excellent français et ils ont une façon curieuse de vous approcher en disant « je bénis vos mains qui ont fait ces pains d’épices ». Lorsque je leur proposais à manger ils me répondaient qu’ils ne pouvaient pas à cause du carême, et je leur expliquais que le vrai carême serait d’acheter un paquet et de le regarder mais de ne pas toucher aux pains d’épices !


J’ai aimé tous mes voyages, j’ai toujours cherché des accointances partout où j’allais. Par exemple, lorsque je suis allée à Shanghai dans un salon de thé, j’y ai découvert les baies de goji. J’ai demandé ce que c’était, et l’on m’a répondu que c’était bon pour les yeux. Moi j’ai trouvé que cela avait bon goût, et lorsque je suis rentrée, j’en ai mis dans mes pains d’épices. En Chine ils n’ont pas l’habitude d’utiliser cette baie de cette manière : ils la mangent en soupe ou en infusion. 

Mireille Oster

 

Quelle votre prochaine envie de voyage ?

Je ne sais pas. Il faut que je travaille cela. J’avais un petit quelque chose pour l’Algérie, mais je ne sais pas encore. Au vu de la situation, je choisirai en fonction des opportunités. 

 

Avez-vous toujours voulu travailler le pain d’épices ? 

A l’origine, je voulais partir en Chine et travailler un tissu qui avait été créé dans l’ancienne capitale chinoise Nankin, qui s’appelle le Nankin blue. Je souhaitais travailler ce tissu pour le mettre en forme contemporaine. On était bien loin du pain d’épices ! C’est une fois que j’ai rencontré mon mari, Claude, que je me suis dit que je ne pouvais plus partir car je n’étais plus seule. Mais l’idée de la Chine m’est toujours restée en tête. Ce n'est pas pour rien si mon premier voyage a été à Shanghai, et lors de ce voyage j’ai trouvé ce tissu !  
Vous savez, il s’avère que ce tissu existe également en version alsacienne, c’est le bettelkelsch. C’était le kelsch des gens simples qui n’avaient les moyens d’avoir toutes les couleurs de fils. Ils faisaient des réserves à la cire et ils teignaient le tissu dans du pastel à l’époque, puis ensuite dans de l’indigo, un colorant moins cher et qui venait d’Inde. Puis ils trempaient ce tissu dans les réserves en cire et un dessin apparaissait. C’est de là que j’ai eu l’idée de travailler ce tissu qui est un tissu assez exceptionnel car, lorsque vous le portez, il empêche d’avoir des problèmes de peau. 

 

Comment décrieriez-vous la « touche » Mireille Oster ?

Alors ça pour en parler c’est difficile ! 
Je dirai l’exigence du produit, le beau, je suis très sensible à l’esthétique. Magnifier quelque chose qui est rustique, emballer les pains d’épices avec des bolducs en or par exemple. Et l’accueil, car les gens sont très très bien accueillis chez nous ! Le client est roi, c’est ce que l’on m’a inculqué depuis toute petite, et c’est ce que j’ai inculqué également à mes collaborateurs.

 

Quelle est la chose que vous préférez dans votre métier ? 

Plein de choses ! Ce sont les émissions de télévision ou de radio, c’est le client, c’est la rencontre incroyable des personnes, et si vous saviez combien de personnes incroyables j’ai rencontré ! C’est l’échange relationnel, et faire plaisir.

La boutique de Mireille Oster

 

Vous dites que vous fonctionnez beaucoup avec l’amour et que le pain d’épices n’est qu’une excuse pour aller à la rencontre des gens, quelles sont vos plus belles rencontres ?

Sabine Azéma est venue plusieurs fois. Je l’avais beaucoup apprécié, elle m’avait envoyé l’acteur Lambert Wilson. Je rencontre beaucoup d’artistes de l’opéra, des danseurs, par exemple le chorégraphe Benjamin Millepied ou encore Nathalie Portman par exemple. Beaucoup de personnes d’ambassades et de consulats viennent également me voir, avec qui j’ai encore des contacts. L’auteur algérien Yasmina Khadra aussi, il a même parlé de moi dans l’un de ses livres. 

 

Combien de temps cela prend-il pour créer un pain d’épices, de la recherche de la recette au pain d’épices prêt à être déguster ?

Moi ça m’a pris 20 ans *rire* ! Vous savez, avant je présentais les toiles de mon oncle, et les personnes me demandaient combien de temps il prenait pour peindre un tableau, et je leur répondais que cela lui avait pris 50 ans, parce que l’on peaufine dans le temps !  
J’ai commencé à la main, je n’avais pas de machine, et je fabriquais mes pains d’épices en les pétrissant, et petit à petit on affine les choses et on peut aller plus vite. Mais il faut un temps de pause, et il faut chercher les produits que l’on veut ajouter à nos recettes également. C’est assez long, et ça se fait en plusieurs étapes. 

Parmi tous les pains d’épices que vous proposez, lequel préférez-vous ? 

C’est toujours le dernier né, c’est à chaque fois ma nouvelle réussite ! Sinon il y a un bestseller, c’est le 7 épices, il est complet et il plait à tout le monde. Si on compare à celui au piment d’Espelette par exemple, ce dernier a un succès plus limité. 


C’est vous qui créez les recettes des pains d’épices et qui les fabriquez, avez-vous une formation en cuisine ? 

Non, pas du tout. J’ai repris une succession. J’ai eu la formation de mes grands-parents et j’ai eu l’éducation de mon grand-père, c’est lui qui faisait les choses. Chez nous c’est les hommes qui faisaient la cuisine. Les nombreux voyages également que j’ai pu faire m’ont beaucoup appris et j’ai mis en œuvre en testant des recettes, en demandant l’avis des personnes qui m’entouraient. 
 

 

Les pains d’épices sont un produit qui rappelle l’hiver, Noël, vous avez bien évidemment un stand au marché de Noël de Strasbourg, diriez-vous que Noël est votre période de l’année préférée ?  

Mes périodes se découpent bien dans les quatre saisons. Elles ont chacune bien leur place, c’est l’avantage de notre situation. Au Vietnam par exemple, le temps traine en longueur car il n’y a que deux saisons. Chez nous, en ce moment on sent qu’on est au printemps, les températures se rapprochent des 10 degrés et la sève commence à monter dans les arbres, donc automatiquement il y a des idées qui se mettent en place. Il y a de nouveau un réveil de l’œil, un réveil des goûts. Là c’est la période de renaissance. Après on passe à l’été, il fait chaud, on a envie de choses qui sont fraiches, donc je vais insister sur le citron et sur d’autres aliments qui rafraîchissent. Après on va passer à la période d’automne, qui est celle de la rentrée des classes, donc on étudie, on fait des choses pour préparer Noël. Et enfin Noël, c’est l’apogée du pain d’épices. Mais heureusement, grâce au marché de Noël de Strasbourg, mes produits se conjuguent toute l’année car les personnes reviennent dans ma boutique pour retrouver ce qu’ils avaient acheté au marché de Noël. Le pain d'épices n’est donc plus une spécialité exclusivement de Noël. Et pour renforcer ce côté intemporel, on a travaillé des choses autour du produit : on le sert en cuisine en créant des plats sur une base de pain d’épices. Cela le rendre utile toute l’année. Et comme ce n’est ni un pain, ni un gâteau, il se travaille facilement. 
Evidemment, la vraie période de joie est cette fête de la lumière qu’est Noël.

Vous dites souvent être une femme forte dans une famille de femmes fortes avec des maris qui vénéraient leur épouse. Quel est le rapport de Mireille Oster au féminisme ? 

Pour le moins que l'on puisse dire, Mireille Oster n'a pas une position consensuelle sur le féminisme comme elle l'explique dans la vidéo ci-après.

 

On parle beaucoup de Mireille Oster mais peu de monsieur ? Quelle relation a-t-il avec votre métier, votre succès ?

Il le supporte *rire*. 
Il me met en avant, il reste en retrait, mais il est là. Il ne travaille pas avec moi mais il est présent. Et c’est important d’avoir quelqu’un qui est là et qui vous épaule, même en présence physique. J’ai vu la différence, car je suis restée pas mal de temps seule, et c’est plus facile à deux. Il me rejoint à 17h après son travail, ce qui est déjà bien, et il me laisse toute latitude : quand je veux, comme je veux, où je veux *rire* !


Comment avez-vous vécu cette année particulière ? 

Avec beaucoup de sérénité. A savoir que, lorsqu’on nous a présenté la nouvelle implantation et organisation du marché de Noël 2020, j’étais scandalisée. Je vis cette expérience depuis beaucoup d’années, j’accompagnais mes parents déjà dans les années 1950, et le fait de voir qu’il allait être élargi avec des stands qui allaient être dans tous les coins, etc., à cause du développement du virus, je me suis dit que je ne pourrais jamais aller travailler là-bas ! Lorsqu’ils nous ont annoncé que le marché de Noël n’aurait finalement pas lieu, j’ai poussé un ouf de soulagement ! 
Lors de la première interview journalistique que j’avais donnée, le journaliste me demandais si j’étais paniquée suite à l’annulation du marché de Noël de Strasbourg, et je lui ai répondu que non, au contraire, j’étais sereine. 
J’attends que ça passe. C’est tellement gros, que l’on ne peut pas aller contre, et c’est tellement vain, qu’il faut attendre que ça passe. 
Pour l’instant on n’a pas eu trop de dégâts, on a pu rester ouvert presque tout le temps, on a été fermé de mars à juin seulement. Il faut se battre, il faut persévérer, ne pas abandonner. La boutique en ligne a été ouverte pendant cette période, car je n’avais pas eu le temps de m’en occuper avant, et mon agence de communication m’a dit que c’était le bon moment pour la lancer. Et heureusement que je l’ai eu en décembre ! ça a mis de l’eau dans mon moulin. J’ai eu la chance d’avoir été interviewée sur trois émissions de télévision à des grandes heures d’écoute cet hiver et les commandes ont affluées tout de suite après. 
On a aussi profité de cette période pour faire des tas de réparations dans l’autre boutique. 

Les pains d'épices de Mireille Oster

 

Si vous aussi, vous souhaitez goûter à ces pains d'épices d'exception et venir à la rencontre de Mireille Oster, elle se fera un plaisir de vous accueillir dans l'une de ces deux boutiques, au 14 rue des dentelles ou au 17 rue des moulins à Strasbourg ! Et si vous ne pouvez pas vous déplacer, Mireille a aussi une boutique en ligne

 


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