St-art 2021 : l'art contemporain redémarre à Strasbourg

Enfin ! Après deux ans d'absence et d'isolement, tant pour les artistes que les galéristes, la Foire européenne d'art contemporain St-art de Strasbourg revient, pour le plaisir non seulement des connaisseurs et collectionneurs, mais aussi de tous les visiteurs curieux d'approcher artistes et œuvres contemporaines. 

La galerie Jean Greset, située à Etuz, en Haute-Saône, fait partie des piliers de la foire St-art. © Jean Greset
La galerie Jean Greset, située à Etuz, en Haute-Saône, fait partie des piliers de la foire St-art. © Jean Greset


L'édition 2021 est exceptionnelle à plus d'un titre. D'abord parce qu'il s'agit de célébrer les 25 ans de ce qui est considéré aujourd'hui comme la première foire d'art contemporain en région de France. Lors de sa création, en 1995, peu de critiques et de professionnels estimaient en effet ce qui s'appelait encore « salon international de l'art contemporain » comme un rendez-vous durable. Une foire d'art contemporain hors de Paris ?!? Pensez-vous... En quelques années pourtant, l'évènement créé par Alain Lamaignère a suscité l'intérêt de galeries parisiennes renommées. 

Myungil Lee, Exister ou survivre, Acrylique sur toile de 2021. © Gallery H.A.N.
Myungil Lee, Exister ou survivre, Acrylique sur toile de 2021. © Gallery H.A.N.

Carton plein avec plus de 60 exposants

7 d'entre elles sont présentes pour cette édition millésime, à côté de 16 adresses régionales, d'une bonne quinzaine d'autres, disséminées sur tout le territoire français et de 10 galeries étrangères. Parmi ces dernières, la galerie H.A.N. de Séoul, qui vient exposer des œuvres de deux artistes coréens renommés : Myungil Lee et Ryung Kal. « Aujourd'hui, toutes les galeries réputées, notamment les galeries parisiennes, ouvrent un espace à Séoul. La présence de la galerie H.A.N. à Strasbourg va faire du bruit dans le Landerneau asiatique ! » prédit le critique d'art Henri-François de Bayeux.

St-art a désormais largement trouvé sa place. Le salon peut en effet s'appuyer sur un vivier de collectionneurs particulièrement prolifique, de part et d'autre du Rhin. Strasbourg est par ailleurs une aire riche en termes de formation des jeunes artistes. Face aux « Grand messe » de l'art contemporain que sont les grandes foires internationales qui, au final, exposent les mêmes artistes d'un bout à l'autre du globe, St-art offre ainsi une grande diversité d'œuvres. 

Picasso, Corrida, 1953. Assiette en céramique exposée par la Galerie Jean-François Cazeau, Paris. © Galerie Jean-François Cazeau
Picasso, Corrida, 1953. Assiette en céramique exposée par la Galerie Jean-François Cazeau, Paris. © Galerie Jean-François Cazeau

[LIRE AUSSI >> VALORISER LES METIERS D'ART AU SALON RESONANCE[S] ]

Diversité et accessibilité

« Pour les primo-collectionneurs, c'est aussi un achat beaucoup plus facile. La Fiac (*) par exemple est devenue beaucoup trop élitiste, avec un ticket d'entrée de 100 000 € minimum », note Henri-François de Bayeux. Faciliter l'accès à l'art est devenu d'autant plus important cette année, alors que le secteur de la création contemporaine a particulièrement souffert de la crise sanitaire. Mais qui vient voir les œuvres exposées à St-art ne le fait pas forcément dans une optique d'achat. Le salon est ouvert à tout type de public, y compris à ceux qui ne collectionnent qu'avec les yeux. 

« C'est un des intérêts de l'exposition, de toucher un autre public que celui qui fréquente nos musées. C'est l'occasion de proposer un moment plus festif et de faire découvrir des artistes qu'on ne trouve pas dans nos collections », estime ainsi Anne Mistler, adjointe aux arts et aux cultures de la ville de Strasbourg. Des conventions ont ainsi été passées entre les musées de la ville, l'Opéra national du Rhin, l'Orchestre philharmonique de Strasbourg, le Théâtre national de Strasbourg et Strasbourg événement, organisateur de St-art, pour développer les échanges entre les visiteurs. La municipalité écologiste est également fortement intéressée de voir le regard que porte les artistes sur les enjeux environnementaux actuels.

 

Sous le signe de l'écologie

C'est en effet un des temps forts de St-art 2021 : l'organisation de l'exposition « Futurae – l'artiste questionne le monde ». Elle réunit 6 artistes d'horizons divers, dont le travail questionne les problématiques environnementales actuelles. « Cela fait plusieurs années que les artistes se sont emparés du débat. L'espace dédié à cette exposition questionnera la définition même de l'artiste et le rôle social de l'œuvre d'art comme engagement esthétique, culturel et éthique », explique la directrice artistique de la foire, Patricia Houg. Des biosphères immersives de Vaughn Bell au corail en dentelle de coton de Jérémy Gobé, en passant par les sacs plastiques de Ha Cha Youn, les marcheurs de Clay Apenouvon, l'augmentation du niveau des mers vue par Luc Lapayre ou encore l'art de la pollution de Ryo Tomo, les différentes œuvres créées exclusivement pour St-art 2021 interrogent sur notre rapport à l'environnement.

 

La réflexion est prolongée par une autre exposition organisée cette fois-ci par la Région Grand Est : « Il n'y a pas de planète B ». Dans cet espace, des artistes comme Guillaume Barth et Julie Faure-Brac partent sur les traces des Premières Nations, qui ne distinguaient pas l'homme de son environnement. Stefania Crisan, Vanessa Gandar et Émilie Vialet témoignent quant à eux des actions prédatrices de l'être humain sur la nature, et de leurs conséquences. Delphine Gatinois et François Génot imaginent au contraire un autre rapport au monde et tentent de retisser les liens perdus avec la terre. Un parcours initiatique en quelque sorte, fruit de l'action de mécénat de la collectivité, dirigée par Vincent Verlé, directeur d'openspace Nancy et commissaire de l'exposition. 

[LIRE AUSSI >> MAMCS - UNE EXPOSITION POUR VALORISER LA RICHESSE ARTISTIQUE DE NOTRE TERRITOIRE]

Raymond Waydelich, enfant terrible et fierté régionale

Pour cette 25 e édition, la direction de St-art a par ailleurs tenu à rendre hommage à Raymond-Émile Waydelich, enfant du pays et artiste de renommée internationale. Cet infatigable collectionneur était présent lors de la création de la foire. 26 ans plus tard, Patrica Houg a décidé de consacrer une allée de 25m à ses œuvres à la fois truculentes et poétiques, créatures fantasmagoriques, objets archéologiques ou ethniques revisités. L'exposition, proposée par la galerie strasbourgeoise l'Estampe, où Raymond-Émile est édité depuis 30 ans, présentera des œuvres issues à la fois des collections particulières de l'artiste et des éditions de l'Estampe et de Rémy Bucciali. Une façon de rappeler que le temps qui file rend le travail de mémoire d'autant plus nécessaire.

Raymond Waydelich, La nuit du crocodile, aquagravure (2012). Depuis 50 ans, l'artiste alsacien mêle humour et créatures fantasmagoriques, pour créer un univers à la fois truculent et poétique. © L'Estampe
Raymond Waydelich, La nuit du crocodile, aquagravure (2012). Depuis 50 ans, l'artiste alsacien mêle humour et créatures fantasmagoriques, pour créer un univers à la fois truculent et poétique. © L'Estampe

St-art – Foire européenne d'art contemporain & de design
Du 26 au 28 Novembre 2021, de 11 h – 20 h
Vernissage (sur invitation) le jeudi 25 Novembre 2021, de 15h à 22h
Parc des expositions – Hall 1, rue Fritz Kieffer, Strasbourg
Renseignements et réservation : www.st-art.com

(*) Foire internationale d'art contemporain, tous les ans au mois d'octobre, Grand Palais Ephémère, Paris VIIe

Auteure : Nathalie Stey 

A propos de l'auteure

Journaliste indépendante amoureuse de l'Alsace, Nathalie Stey a animé pendant 20 ans une revue professionnelle consacrée au transport fluvial et basée à Strasbourg. Elle a depuis élargi son spectre et assure aujourd'hui la correspondance en région pour le journal Le Monde et Le Mensuel éco Grand Est, tout en restant fidèle au secteur de la voie d'eau qu'elle s'attache à faire découvrir.